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Philippe de Champagne
ou plutôt Champaigne est un peintre né à Bruxelles
le 26 mai 1602, mort à Paris le 12 août
1674. Bien que d'origine flamande,
on peut le ranger et on l'a rangé quelquefois dans l'école
française, car il a passé en France
la plus grande partie de sa vie, il s'y est fait sa manière et y
a laissé pour ainsi dire toutes ses oeuvres. Il commence par étudier
à Bruxelles sous deux maîtres obscurs, Jean Bouillon et Michel
Bourdeaux; puis sous Jacques Foucquier ou Fouquières, le paysagiste.
En 1621, à l'âge de dix-neuf
ans, il vient à Paris, faisant route
pour l'Italie ,
nous dit-on. Il travaille quelque temps chez Georges Lallemand, peintre
lorrain, qui avait alors une certaine réputation, mais qu'il dut
quitter bientôt pour pouvoir interroger librement la nature. Il avait
déjà du talent dans le portrait,
comme dans le paysage. Un de ses premiers
succès semble avoir été le portrait du Général
Mansfeld (vers 1624). A cette époque ou peu avant, il avait
eu occasion de faire connaissance avec Nicolas Poussin,
logé ainsi que lui au collège de Laon .
Les deux amis furent employés ensemble par Duchesne, peintre en
titre de la reine mère,
Marie de Médicis,
aux travaux de décoration du palais du Luxembourg .
Mais Poussin s'en dégoûta vite. Philippe de Champaigne fit
plusieurs tableaux dans les chambres de la reine et y gagna la faveur de
Maugis, abbé de Saint-Ambroise, l'intendant de ses bâtiments.
Il revint toutefois à Bruxelles
en 1627, soit que Duchesne ait vu de mauvaise grâce ses succès,
soit plutôt que son père l'ait rappelé pour divers
travaux. Mais l'absence ne fut pas longue; car Duchesne étant mort,
l'abbé de Saint-Ambroise lui écrit aussitôt de la part
de la reine, pour lui offrir cette place, avec logement au Luxembourg et
1200 livres de gages. Philippe de Champaigne fut de retour à Paris
le 10 janvier 1628, et vers la fin de l'année (30 novembre), il
épousa la fille, aînée de Duchesne, qu'il avait sans
doute connue et aimée pendant son premier séjour.
Sa situation de peintre officiel lui valut
un très grand nombre de commandes. Non seulement il continua la
décoration du Luxembourg ,
mais il fut chargé de travaux pour divers couvents que soutenait
ou encourageait la reine mère. Une de ses premières entreprises
en ce genre fut une suite de six tableaux, dont quelques-uns seulement
de sa main, pour l'église des Carmélites
du faubourg Saint-Jacques. La tâche n'était pas même
terminée, qu'on le priait d'en peindre d'autres au couvent des Filles
du Calvaire, proche le Luxembourg; puis à celui des Carmélites
de la rue Chapon (1631). Philippe de Champaigne suffit à tout, travaillant
très vite ou faisant travailler sous ses ordres, et trouva même
le temps, dans l'intervalle, de faire de superbes portraits.
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Richelieu,
par Philippe de Champaigne (détail).
L'exil de la reine mère n'arrêta
pas le cours de ses travaux. Le roi Louis XIII
le prit à son service. En 1634, il lui demande un tableau commémoratif
d'une Cérémonie de l'ordre du Saint-Esprit tenue en
1683 et où il avait conféré l'ordre au duc de Longueville.
L'oeuvre placée aux Grands-Augustins fut trouvée parfaitement
belle (c'était une réunion de portraits),
et deux des personnages representés, MM. de Ballion et Bouthillier,
en voulurent chacun une répétition. La même année,
autre commande royale : tableau pour la chapelle
de la Vierge à Notre-Dame
représentant Louis XIII, agenouillé devant la Vierge en
Pietà au pied de la croix. C'est le Voeu de Louis XIII,
aujourd'hui au musée de Caen. Richelieu,
qui avait déjà dû employer le peintre à l'époque
où il travaillait pour la reine mère, continua à l'occuper
à ses châteaux de Rueil, de
Bois-le-Vicomte et surtout de Richelieu, où il aurait voulu qu'il
résidât. II lui confia également, en 1636, une partie
de la décoration du Palais-Cardinal.
Philippe de Champaigne a fait plusieurs
fois le portrait du cardinal de Richelieu,
particulièrement en 1640. C'est peut-être celui du Louvre,
un chef-d'oeuvre. Le roi, la reine, le dauphin qui allait être Louis
XIV, ont aussi posé plusieurs fois devant lui, en 1642 notamment,
et à leur suite presque tous les personnages puissants du royaume.
Quand Richelieu mourut, en 1642, le peintre venait de recevoir de lui la
commande des peintures du Dôme de la Sorbonne
tout récemment bâti. L'oeuvre ne fut terminée qu'en
1644 : Dieu le père et des anges à la coupole, les docteurs
de l'église aux quatre pendentifs.
Cependant Philippe de Champaigne, qui avait en la douleur de perdre sa
femme en 1638, et qui, sur le conseil de M. de Péréfixe,
alors évêque de Rodez et ensuite
archevêque de Paris, avait mis ses deux
filles comme pensionnaires à Port-Royal ,
se réfugiait de plus en plus dans la dévotion et l'austérité.
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Ex
Voto, par Philippe de Champaigne (1662).
En 1647, Philippe de Champaigne alla habiter
en haut du faubourg Saint-Marcel afin d'être plus loin du monde et
moins obligé à faire des portraits.
Les troubles de la Fronde
purent seuls l'en déloger et le forcer à rentrer en ville.
Il ne faisait plus volontiers à cette époque que des tableaux
religieux, pour lesquels il avait toujours eu grande prédilection.
Au début de la régence, Anne d'Autriche
lui avait demandé des peintures
pour ses appartements du Val-de-Grâce : série d'Épisodes
de la vie de saint Benoît (musée de Bruxelles )
et portraits des reines qui ont laissé une réputation de
sainteté. Les églises de Paris
pour lesquelles il travailla sont en nombre infini. On en trouvera la liste
à peu près complète dans d'Argenville et Guillet de
Saint-Georges. La Cène
faite pour le maître-autel de Port-Royal
(musée du Louvre) est surtout célèbre,
parce qu'on a cru y découvrir l'image des principaux solitaires.
Entre temps, il se délassait par des paysages, où il trouvait
encore un motif d'édification, puisant d'ordinaire ses sujets dans
la Vie des saints .
Reçu membre de l'Académie
de peinture dès sa fondation (1er
février 1648), Philippe de Champaigne y fut nommé professeur
le 6 mars 1655, puis recteur, et montra dans cette charge un rare désintéressement.
Vers 1654, en tout cas après 1650, il éprouva un grand chagrin
: ce fut la mort de son unique fils, Claude, qui commençait à
peindre sous sa direction. Il avait déjà perdu une de ses
filles, morte jeune à Port-Royal .
Ce fut sans doute pour se consoler de tous ces deuils, qu'il alla voir
sa famille à Bruxelles
en 1655 ou 1656. Durant ce séjour, il peignit pour l'archiduc Léopold
Adam
et Eve
pleurant Abel
(musée du Belvédère à Vienne), sujet qui convenait
à sa tristesse. Il faut placer peu avant ou peut-être après
ce voyage l'arrivée à Paris de
son neveu Jean-Baptiste, qui lui tint lieu désormais de fils. Ce
fut même bientôt son unique enfant, car Philippe de Champaigne
consomma jusqu'au bout le sacrifice. Sa fille aînée, la seule
qui lui restât, fit profession à Port-Royal, le 14 octobre
1657, sous le nom de soeur Catherine de Sainte-Suzanne. Cela l'unit par
des liens encore plus tendres à la sainte maison. Le tableau du
Louvre
(1662), où il a représenté, à côté
de la mère Agnès Arnauld en prières, sa fille miraculeusement
guérie d'une paralysie qui la tenait immobile depuis plus de douze
mois, est un touchant témoignage de son affection paternelle autant
que de sa foi. |
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