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Alexandre (Alesandro), comte de Cagliostro est un aventurier, escroc et thaumaturge célèbre du XVIIIe siècle, né probablement à Palerme le 8 juin 1743, mort le 1er octobre 1795 au château de Léon, dans le duché d'Urbino. Son véritable nom était Joseph (Giuseppe) Balsamo. Il était fils de Pierre Balsamo, qui mourut l'année même de sa naissance, et de Felice Braconniere. Très jeune encore, il fut obligé de quitter Naples, après plusieurs escroqueries, dont l'une envers un certain Marano, orfèvre, auquel il avait extorqué soixante onces d'or en lui faisant croire à la découverte d'un trésor caché. - Joseph Balsamo, dit A. Cagliostro (1743-1795). D'après l'interrogatoire qu'il subit plus tard en France, le 30 janvier 1786, il aurait été âgé alors de trente-sept à trente-huit ans, ce qui le ferait naître en 1749 ou 1748, et aurait « professé la médecine, sans en avoir fait son état particulier ». Il aurait perdu ses père et mère à l'âge de trois mois, et serait né à Malte ou à Médine. Toujours d'après ses prétentions, il aurait été d'extraction noble, « sans connaître rien cependant de sa famille »; aurait reçu une éducation conforme à son état d'un précepteur qui lui enseigna les sciences, les belles-lettres et les langues, Plus tard, il se serait occupé plus particulièrement de botanique et de chimie médicale. A dix-huit ans, il aurait visité avec ce précepteur les îles de la mer Egée, la Turquie, l'Asie, l'Afrique, puis il serait passé à Naples, d'où, après un court séjour, il se serait rendu à Rome. Protégé par le cardinal Orsini et par le pape lui-même, il s'y serait adonné plus particulièrement à l'étude de la médecine, et l'aurait exercée surtout envers les pauvres. Ce qui est certain, c'est que dans cette ville il épousa, au mois d'avril 1769, Laurenza ou Seraphina Feliciani, âgée à peine de quinze ans, fille d'un « fondeur en métal » (budàtore), Joseph Feliciani, qui avait « sa boutique sur l'estrade de Pellegrini ». D'après celle-ci, il aurait fait sa connaissance dans la maison d'une Napolitaine, sa voisine, et le mariage, auquel le père de Laurence se serait assez difficilement décidé, aurait été célébré dans l'église de San Salvador in Campo. Aussitôt après, Joseph Balsamo recommença sa vie de voyages et d'aventures. Ses biographes, plus ou moins fantaisistes, le font parcourir presque toute l'Europe sous les noms successifs de Tischio, de Milissa, de Belmonte, de Pellegrini, d'Anna, de Fenix, de Harat, enfin de Comte de Cagliostro. C'est sous ce nom qu'il figure dans la procédure de l'affaire du Collier; mais il est juste d'ajouter que sur toutes les pièces où ce nom se trouve, le mot comte a été bâtonné soit par les rapporteurs, soit par le procureur général. Si l'on en croit Laurence Feliciani, les deux époux, en quittant Rome, auraient séjourné successivement à Notre-Dame-de-Lorette, à Berg, dans les Etats de Venise, en compagnie d'un faux marquis Alliat, qui les aurait escroqués, puis à Milan, à Gênes. Traversant ensuite le midi de la France, où ils auraient visité Aix-en-Provence, ils seraient passés en Espagne, puis au Portugal, à Lisbonne, d'où ils se seraient embarqués pour l'Angleterre. C'est après un séjour d'une année, soit à Londres, soit à Canterbury, qu'ils seraient venus en France. Si l'on en croit Goethe, qui, dans son voyage en Italie, fit d'assez grandes recherches sur Cagliostro en vue de son drame le Grand Cophte, Joseph Balsamo aurait pris d'abord à Naples l'habit des frères de la Miséricorde, voués au soulagement des malades, puis se serait fait recevoir dans l'ordre des médecins, d'où il aurait été chassé pour sa mauvaise conduite. C'est alors, et à la suite de son affaire avec l'orfèvre Marano, qu'il aurait adapté la vie d'aventures et de tromperies qui a rendu son nom célèbre. Sa vie était celle d'un charlatan procurant un prétendu élixir de longue vie, des remèdes qui devaient rendre toujours la santé, évoquant les morts avec lesquels il se vantait de mettre ses adeptes en communication, prédisant l'avenir, le montrant dans l'eau d'une carafe où seule une jeune fille entièrement pure, qu'il appelait la Colombe, pouvait lire. Il se vantait aussi de posséder la science hermétique, de faire de l'or et du diamant. Partout, du reste, il semait l'or sur son chemin, avait des banquiers attitrés, Sarrazin à Bâle, Hans Costard à Lyon. L'on a supposé, avec quelque vraisemblance, qu'il était affilié à des sociétés secrètes dont il était l'agent richement payé. En Allemagne, il se lia avec Schrader, thaumaturge de son espèce, et, en Angleterre, connut les manuscrits de Georges Coston, autre illuminé. Peut être aussi trouvait-il des ressources dans la beauté de sa femme, qui était très remarquable. Il est à peu près certain qu'il vint une première fois à Paris, à la fin de 1772, en compagnie d'un certain Duplessis, intendant d'une marquise de Prie, qu'il avait rencontré sur le bateau qui l'amena d'Angleterre en France. A cette époque il demanda à M. de Sartine l'arrestation de sa femme, qu'il accusait d'avoir quitté le domicile conjugal pour vivre avec Duplessis, et qui fut, au mois de janvier 1773, enfermée pour ce fait à Sainte-Pélagie. A partir de 1780, l'existence de Joseph Balsamo acquiert plus de certitude. A cette époque nous le voyons à Strasbourg, revenant de Russie et de Pologne. Il fait la connaissance du cardinal de Rohan, qui en était le prince-évêque. Le cardinal, qui souffrait d'un asthme, se laissa aller à consulter Cagliostro, dont la réputation d'empirique était déjà grande. Ces premiers rapports ne tardèrent pas à devenir plus intimes. Le prélat était à la fois crédule, libertin et prodigue. Peut-être crut-il autant à la pierre philosophale (L'Alchimie), que Cagliostro se vantait d'avoir trouvée, qu'aux remèdes du charlatan. Quoi qu'il en soit, Cagliostro puisa alors largement dans la bourse du cardinal de Rohan, et l'abbé Georgel, secrétaire de celui-ci, nous le représente vivant aux dépens du prélat, faisant, pendant ses absences de Strasbourg, des orgies avec le baron de Planta, buvant à flots le vin de Tokay de son hôte. La baronne d'Oberkirch, qui le vit deux fois à cette époque chez le cardinal, atteste l'influence sans limite qu'il avait prise sur celui-ci, et aussi l'étonnante puissance de son regard. « Il n'était pas, dit-elle, absolument beau, mais jamais physionomie plus remarquable ne s'était offerte à mon observation. Il avait surtout un regard d'une profondeur presque surnaturelle : je ne saurais rendre l'ex pression de ses yeux; c'était en même temps de la flamme et de la glace, il attirait et il repoussait. »Pendant son séjour à Strasbourg, Cagliostro vint plusieurs fois à Paris, où le cardinal l'avait recommandé à son parent, le prince de Soubise, alors malade, et où il se fit de nombreux enthousiastes, surtout parmi les femmes (1784), dont une vingtaine le suivirent à Strasbourg. Dans cette ville, on citait parmi ses adeptes, le baron de Dampierre. M. Klinglin d'Esser, le comte de Lutzelbourg, la baronne de Reich, le professeur Ehrmann. Lié avec le cardinal de Rohan, Cagliostro devait être fatalement mêlé à la célèbre affaire du Collier. Le 30 janvier 1785, il était arrivé à Paris, et s'était logé hôtel de Savigny, rue Saint Claude, dans le Marais, tout près du cardinal, qui occupait son hôtel de Strasbourg, rue Vieille-du-Temple, et de Mme de La Motte, qui habitait rue Neuve-Saint-Gilles. C'est là que, le 23 août 1785, il fut arrêté; Mme de La Motte l'accusait d'avoir reçu le collier des mains du cardinal de Rohan et de l'avoir dépecé. Renvoyé de l'accusation par l'arrêt que rendit le parlement, le 30 mai 1786, Cagliostro put sortir de la Bastille, où il était enfermé depuis neuf mois et demi, et rejoignit sa femme, qui, arrêtée elle-même, avait été mise en liberté des le 25 mars de l'année précédente. -
Mais un ordre du roi lui enjoignit de quitter Paris sous vingt-quatre heures, et le royaume sous trois semaines. Le 16 juin, ils s'embarquaient à Boulogne pour l'Angleterre. Pendant les quatre années que Cagliostro avait passées en France, et surtout à Paris, il avait aussi exploité l'idée de la franc-maçonnerie et fondé une loge égyptienne, dans laquelle le titre de Vénérable était remplacé par celui de Grand Cophte. Le duc de Luxembourg en avait même accepté le titre de grand-maître. Une autre loge, celle d'Isis, créée par lui, était réservée exclusivement aux femmes. Elle comptait parmi ses affiliées la comtesse de Brienne, Charlotte de Polignac, Mmes de Genlis, d'Espinchal, de Bréhant, etc. Le comte Beugnot, qui le rencontra chez la comtesse de la Motte, en fait ce portrait : « Il était d'une taille médiocre, assez gros, avait le teint olive, le cou fort court, le visage rond, orné de deux gros yeux à fleur de tête et d'un nez ouvert et retroussé. Il avait tout l'extérieur et l'attirail d'un charlatan, et faisait sensation, surtout sur les dames, dès qu'il entrait dans un salon. Sa coiffure était nouvelle en France; il avait les cheveux partagés en plusieurs petites cadenettes qui venaient se réunir derrière la tête, et se retroussaient dans la forme de ce qu'on appelait alors un catogan. Il portait ce jour-là un habit à la française gris de fer, galonné en or, une veste écarlate brodée en large point d'Espagne, une culotte rouge, l'épée engagée dans les basques de l'habit, et un chapeau bordé avec une plume blanche [...]. Des manchettes de dentelles, plusieurs bagues de prix et des boucles de souliers assez brillantes pour qu'on les crût de diamants fins. »A partir de 1786, l'obscurité se fait de nouveau sur l'existence de Cagliostro. Après un séjour de deux ans à Londres, il se rendit à Bâle, à Bienne, à Aix-les-Bains en Savoie, à Turin, à Gênes, à Vérone, enfin à Rome, où, le 23 décembre 1789, la police de l'inquisition le fit saisir et emprisonner avec sa femme au château Saint-Ange. Le 7 avril 1791, un arrêt le condamna à mort, comme « pratiquant la franc-maçonnerie ». La peine fut commuée en prison perpétuelle, qu'il subit au château de Léon. Sa femme, condamnée également à une réclusion perpétuelle, fut enfermée au couvent de Sainte-Appoline. (E. Asse). |
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