.
-

Bourdaloue

Louis Bourdaloue est un jésuite et prédicateur français, né à Bourges le 20 août 1632, mort à Paris le 13 mai 1704. Il n'y a guère d'existence plus simple que la sienne. Fils d'Etienne Bourdaloue, conseiller au présidial de Bourges; élevé chez les jésuites de sa ville natale; il entra dans la Compagnie comme novice, le 10 novembre 1618, professa les humanités, fit sa théologie, fut ordonné prêtre, passa plusieurs années en province, y commença sa réputation d'éloquence, et débuta dans les chaires de Paris, au mois de novembre 1669. Ses débuts coïncidaient avec la retraite prochaine de Bossuet qui, nommé cette année-là même évêque de Condom, et, l'année suivante, précepteur du Dauphin, préchait à la Cour son dernier Avent. De ce jour jusqu'à sa mort, Bourdaloue précha et confessa; c'est toute son histoire : l'intérêt de l'oeuvre y compense, et au delà, le manque d'événements.

Bourdaloue a prêché à Paris les Avents de 1669, 70, 71, 76, 84, 85, 86, 89, 90, 91, 93 et 97, et les Carêmes de 1670, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 85, 86, 88, 92 et 95. Les Avents de 1670, 1684, 86, 89,1691, 93 et 97, ainsi que les Carêmes de 1672, 74, 76, 80, 82 et 95 ont été prêchés à la cour. Cela fait en tout trente Stations, et, sans compter de nombreux Sermons pour tous les dimanches de l'année, cela seul devrait faire quelque chose comme quatre cent cinquante ou cinq cents Sermons. Il nous en est parvenu cent trente-trois, dont voici, d'après l'édition du P. Bretonneau, l'exacte nomenclature : Avents et Carêmes, 47 sermons; Dominicales, 38 ; Mystères et Sermons pour les fêtes de la Vierge, 24; Panégyriques, 16; Sermons de vêture ou sur l'État religieux, 6; et Oraisons funèbres, 2. L'une de ces Oraisons funèbres est celle de Louis de Bourbon, le prince de Condé, et il est curieux et instructif de la comparer avec celle que Bossuet en a prononcée. 
-

De la Pensée de la mort

« C'est un principe dont les sages même du paganisme sont convenus, que la grande science, la grande étude de la vie, est la science ou l'étude de la mort, et qu'il est impossible à l'homme de vivre dans l'ordre et de se maintenir dans une vertu solide et constante, s'il ne pense souvent qu'il doit mourir. Or je trouve que toute notre vie, ou, pour mieux dire, tout ce qui peut être perfectionné dans notre vie, et par la raison et par la foi, se rapporte à trois choses : à nos passions, à nos délibérations et à nos actions. Je m'explique. Nous avons dans le cours de la vie des passions à ménager, nous avons des conseils à prendre, et nous avons des devoirs à accomplir. En cela, pour me servir du terme de l'Écriture, consiste tout l'homme; tout l'homme, dis-je, raisonnable et chrétien : Hoc est enim omnis homo; des passions à ménager en réprimant leurs saillies, et en modérant leurs violences; des conseils à prendre, en se préservant et des erreurs qui les accompagnent, et des repentirs qui les suivent; des devoirs à accomplir, et dont la pratique doit être prompte et fervente. Or, pour tout cela, chrétiens, je prétends que la pensée de la mort nous suffit, et j'avance trois propositions que je vous prie de bien comprendre, parce qu'elles vont faire le partage de mon discours. Je dis que la pensée de la mort est le remède le plus souverain pour amortir le feu de nos passions; c'est la première partie. Je dis que la pensée de la mort est la règle la plus infaillible pour conclure sûrement dans nos délibérations; c'est la seconde. Enfin je dis que la pensée de la mort est le moyen le plus efficace pour nous inspirer une sainte ferveur dans nos actions; c'est la dernière. Trois vérités dont je veux vous convaincre en vous faisant sentir toute la force de ces paroles de mon texte : Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris. Vos passions vous emportent, et souvent il vous semble que vous n'êtes pas maîtres de votre ambition et de votre cupidité : Memento, souvenez-vous, et pensez ce que c'est que l'ambition et la cupidité d'un homme qui doit mourir. Vous délibérez sur une matière importante, et vous ne savez à quoi vous résoudre : Memento, souvenez-vous, et pensez quelle résolution il convient de prendre à un homme qui doit mourir. Les exercices de la religion vous fatiguent et vous lassent, et vous vous acquittez négligemment de vos devoirs : Memento, souvenez-vous, et pensez comme il importe de les observer à un homme qui doit mourir. Tel est l'usage que nous devons faire de la pensée de la mort, et c'est aussi tout le sujet de votre attention.. »
 

(Bourdaloue, Sermons).

Bourdaloue n'a pas donné lui-même l'édition de ses Sermons, mais nous savons qu'il la préparait quand la mort vint le surprendre. Il y a donc lieu de croire qu'il avait fait et arrêté le choix de ceux qu'il voulait imprimer; et, d'autre part, quant à l'authenticité du texte, les libertés que l'on a dit qu'aurait prises, en le publiant, le P. Bretonneau, son confrère, ne sauraient être grandes, si l'on compare à ceux de Bourdaloue les Sermons que Bretonneau nous a laissés sous son propre nom. Il faut ajouter, aux Sermons proprement dits, deux volumes d'Exhortations et Instructions chrétiennes, une Retraite spirituelle, et deux volumes de Pensées.

Voltaire a dit, dans le Siècle de Louis XIV, que « lorsque Bourdaloue parut, Bossuet ne passa plus pour le premier prédicateur de son temps ». A regarder les choses de très près, il y en aurait une excellente raison, et nous l'avons indiquée plus haut : c'est qu'au moment où Bourdaloue commence à parler dans les chaires de Paris, Bossuet en descendait. Mais, si Voltaire a voulu dire que ceux qui les avaient entendus tous les deux firent généralement plus d'estime de l'éloquence de Bourdaloue que de celle de Bossuet, il a raison. Les lettres de Mme de Sévigné, à elles seules, suffiraient pour autoriser, une opinion que nous avons de la peine à partager aujourd'hui. En aucun temps de sa carrière de prédicateur, il est certain que Bossuet n'a eu ni la réputation ni surtout la vogue, on pourrait dire la popularité de Bourdaloue. Quelles sont les raisons de cette préférence, qu'il faut bien qui s'explique, et qu'en y réfléchissant on finit par comprendre?
-

Bourdaloue (1632-1704).
Le buste de Bourdalou, dans les jardins de l'Archevêché, à Bourges. 
© Photo : Serge. Jodra, 2009.

Mieux divisés, d'une division plus apparente, et d'une disposition, sinon plus claire, au moins plus aisément saisissable que les Sermons de Bossuet, ceux de Bourdaloue devaient exiger de ses auditoires une attention moins soutenue. Bourdaloue est justement célèbre pour la clarté de ses divisions, et il est vrai qu'il les a poussées quelquefois à l'excès, mais on peut dire qu'il n'en est pas moins dans la langue française le modèle et le maître du développement oratoire, de l'art de distribuer, d'ordonner et d'épuiser tout un vaste sujet. Il l'est aussi de l'art des transitions; et on passe avec lui sans secousses, presque sans mouvement apparent, d'une idée à une idée voisine, et de celle-ci à une autre : Bossuet a le geste plus brusque, l'allure plus impétueuse, plus saccadée; il improvise, et, selon toute apparence, Bourdaloue, récitait. Une autre raison de la supériorité de Bourdaloue, non pas certes comme orateur, mais comme prédicateur, c'est sa façon de traiter la morale. Il ne se jette pas, comme Bossuet, dans les subtibilités du dogme, il n'essaie pas d'approfondir ou de forcer l'obscurité sacrée des mystères, il n'affecte pas l'ambition d'en rendre les ténèbres visibles. 

C'est aux volontés qu'il s'adresse, plutôt qu'aux intelligences, et il se soucie moins de convaincre les esprits que d'incliner l'habitude aux pratiques de la religion. Analyste, ou, comme on disait alors, anatomiste subtil, directeur et confesseur expérimenté, - ce que n'est pas Bossuet, - connaissant mieux les hommes, il sait aussi mieux que lui où sont les résistances, et pour les amollir, en quel point précis il faut toucher les âmes. Si sa philosophie est moins profonde et mains haunte, il est plus maître de l'entre-deux; sa psychologie est plus fine, plus déliée, plus voisine de la réalité de la vie. Aussi lui a-t-on quelquefois reproché la malignité de ses «  peintures »  de ses allusions et de ses « portraits ». La société de son temps, qui ressemble, dans les Sermons de Bossuet, à celle de tous les temps, ne ressemble qu'à elle-même, et à elle seule, dans les Sermons de Bourdaloue. On trouve un portrait satirique de Pascal dans le Sermon sur la médisance; on en trouve un d'Arnauld dans le Sermon sur la sévérité chrétienne, il est question de l'émoi soulevé par Tartufe dans le Sermon sur l'hypocrisie; le scandale des amours adultères de Louis XIV et de la fameuse « affaire des poisons » retentissent encore dans le Sermon sur l'impureté. C'est ce jour là qu'on accusa le prédicateur «  d'avoir frappé comme un sourd » et, dans un sermon qui suivit, il dut faire amende honorable. 
-

Les Vocations imposées

« Quoi! il faudra que Dieu en passe par votre choix, et qu'il soit réduit, pour ainsi parler, à recevoir cet enfant aux plus saintes fonctions de l'Église, parce que cela vous accommode, et que vous y trouvez votre compte?... Ce cadet n'a pas l'avantage de l'aînesse : sans examiner si Dieu le demande, ni s'il l'accepte, on le lui donne... Il suffit qu'il soit le cadet de la maison pour ne pas douter qu'il ne soit dès lors appelé aux fonctions redoutables de pasteur des âmes. Si les choses changeaient de face, sa vocation changerait de même. Tandis qu'il aura un aîné, elle subsistera... Cet aîné n'a pas été en naissant favorisé de la nature, et manque de certaines qualités pour soutenir la gloire de son nom : sans égard aux vues de Dieu sur lui, on pense, pour ainsi dire, à le dégrader, on le rabaisse au rang du cadet, on lui substitue celui-ci, et pour cela on extorque un consentement forcé; on y fait servir l'artifice et la violence, les caresses et les menaces... Car, dans ce département des conditions, fait par des parents aveugles et prévenus de l'esprit du monde, si de plusieurs enfants qui composent la même famille, il y en a un plus méprisable, c'est toujours celui à qui les honneurs de l'Église sont réservés. S'il est disgracié, mal fait, ou s'il n'a pas l'inclination du père et de là mère, dès lors, il faut en faire un bénéficier. O impiété!... maintenant on ne donne point d'enfants plus volontiers à Dieu que ceux qui ont moins de part à la bienveillance paternelle; et quand on les juge indignes de soutenir l'honneur de leur naissance, on les estime capables d'être les ministres de Jésus-Christ, et les dispensateurs de ses mystères... L'établissement de cette fille coûterait, c'est assez pour la dévouer à la religion. Mais elle n'est pas appelée à ce genre de vie : il faut bien qu'elle soit, puisqu'il n'y a point d'autre parti à prendre pour elle. Mais Dieu ne la veut pas dans cet état : il faut supposer qu'il l'y veut, et faire comme s'il l'y voulait. Mais elle n'a nulle marque de vocation : c'en est une assez grande que la conjoncture présente des affaires et la nécessité. Mais elle avoue elle-même qu'elle n'a pas cette grâce d'attrait : cette grâce lui viendra avec le temps, et lorsqu'elle sera dans un lieu propre à la recevoir. Cependant on conduit cette victime dans le temple, les pieds et les mains liés; je veux dire dans la disposition d'une volonté contrainte, la bouche muette par la crainte et le respect d'un père qu'elle a toujours honoré. Au milieu d'une cérémonie, brillante pour les spectateurs qui y assistent, mais funèbre pour la personne qui en est le sujet, on la présente au prêtre, et l'on en fait un sacrifice qui, bien loin de glorifier Dieu et de lui plaire, devient exécrable à ses yeux et provoque sa vengeance.

Ah! chrétiens, quelle abomination! Et faut-il s'étonner après cela si des familles entières sont frappées de la malédiction divine? Non, non, disait Salvien par une sainte ironie, nous ne sommes plus au temps d'Abraham où les sacrifices des enfants par les pères étaient des actions rares. Rien maintenant de plus commun que les imitateurs de ce grand patriarche. On le surpasse même tous les jours : car au lieu d'attendre comme lui l'ordre du ciel, on le prévient. On immole un enfant à Dieu, et on l'immole sans peine, même avec joie; et on l'immole sans que Dieu le commande, ni même qu'il l'agrée; et on l'immole lors même que Dieu le défend et qu'il ne cesse point de dire : Non extendas manum super puerum. »
 

(Bourdaloue, Sermons).

Avec encore moins de talent qu'il n'en avait, on comprend le succès que lui eussent toujours assuré de semblables moyens. Mais il en avait d'autres, et de plus louables, qui ne risquaient pas, comme les « peintures » et les allusions, de suggérer l'idée même des vices qu'il voulait corriger. Les Sermons de Bourdaloue abondent en leçons et en conseils pratiques. Bossuet n'a qu'un ou deux sermons sur la mort, Bourdaloue en a sur la Pensée de la mort, sur la Crainte de la mort, sur la Préparation à la mort, dont les titres indiquent le caractère, sinon le contenu, qui est, dans tous les trois, un chef-d'oeuvre d'invention. Ce que Bossuet encore a oublié de faire, il descend au détail des choses de la vie quotidienne : il a des Sermons sur les Devoirs de l'état de mariage, il en a sur les Obligations des pères envers leurs enfants, il en a sur les Devoirs des maîtres envers leurs domestiques

Quand on sort de l'entendre, peut-être n'a-t-on rien appris sur sa religion, - je veux dire sur le dogme, sur ses difficultés, sur les moyens qu'il y a d'y répondre, mais on en a rapporté autre chose : des instructions effectives et solides, je dirais presque des « recettes », n'était que le mot pourrait paraître ironique ou irrévérencieux. Et ajoutez enfin la qualité de la langue. excellente, abondante, facile, mais qui n'est pas « de génie », comme on disait en ce temps-là; qui est à la langue de Bossuet ce que la langue d'Arnauld ou de Nicole est à celle de Pascal; et qui, comme telle, ne transporte pas l'auditoire, mais qui le met et le maintient au niveau du prédicateur. Le langage de Bossuet, comme sa manière de composer, n'appartient qu'à Bossuet; celle de Bourdaloue est la langue de tout le monde, ou du moins elle semble l'être, et cela, en tout temps, est une cause de succès auprès des générations ultérieures.

La vie même de Bourdaloue pourrait être aussi une dernière raison. Tandis qu'en effet la prédication n'a été dans la vie de Bossuet qu'un épisode, un assez long épisode, mais un épisode, et que pour ses contemporains la réputation de l'évêque, la gloire de l'historien et du controversiste, le renom du « Père de l'Eglise » ont obscurci en lui l'orateur, au contraire Bourdaloue a fait de la prédication, non seulement l'oeuvre principale, mais l'oeuvre unique de sa vie publique. A partir de 1669, et si l'on oublie un moment les Oraisons funèbres, qui ne sont que six en dix-huit ans, Bossuet ne fait plus dans la chaire chrétienne que de rares et de lointaines apparitions. Mais de 1669 à 1704, si Bourdaloue n'a cessé de prêcher, quoi de plus naturel si c'est son nom plutôt que celui de Bossuet qui revient dans les Mémoires ou les Correspondances du temps? Comment eût-on célébré l'éloquence de celui qui ne parlait plus?

Lorsqu'il s'agit d'un prédicateur du XVIIe siècle, il est bon de savoir quelle attitude il a prise et quel rôle il a tenu dans les grandes controverses du temps. C'est ce que l'un de ses confrères de la Compagnie de Jésus, le père Lauras, a essayé de déterminer dans l'un des meilleurs ouvrages, ou du moins l'un des plus complets, que nous ayons sur Bourdaloue. Le père Lauras rapporte donc à la polémique de Bourdaloue contre les protestants : l'Oraison funèbre d'Henri de Bourbon, prince de Condé; une Exhortation sur la charité envers les nouveaux catholiques; une Exhortation en laveur du séminaire des Irlandais; le Panégyrique de saint Pierre (le deuxième); le Sermon sur la Parole de Dieu, et le Deuxième sermon pour la fête de l'Annonciation. A la polémique contre le jansénisme, il rapporte : le Sermon sur la Grâce; le Sermon sur l'Etat de péché et sur l'Etat de grâce; le Sermon sur la Prédestination; le Sermon sur la sévérité chrétienne; le Sermon sur la sévérité de la pénitence, et enfin le Sermon sur la sévérité évangélique. Sur le gallicanisme, sans y consacrer aucun de ses sermons en particulier, Bourdaloue s'est expliqué en plusieurs endroits, notamment dans le deuxième Panégyrique de saint Pierre, déjà cité. Dans la querelle du quiétisme, il n'est intervenu que par une lettre à Mme de Maintenon pour la confirmer dans la défiance de Mme Guyon et de Fénelon. (F. Brunetière).

Adrien Paul Bourdaloue est un ingénieur français, de la famille du grand orateur chrétien, né à Bourges le 4 janvier 1798, mort dans cette ville le 21 juin 1868. Il est surtout connu pour avoir exécuté et dirigé, avec une habileté et une précision jusqu'alors inconnues, le Nivellement général de la France: encore vers la fin du XIXe siècle les résultats de cette oeuvre considérable servaient de canevas d'ensemble pour tous les nivellements de détails nécessaires aux divers travaux publics ou privés, tracés de chemins de fer, de routes, de canaux, de canalisation des villes, d'irrigation, etc. Après avoir, de 1817 à 1832, soit dans le corps des ponts et chaussées comme conducteur, puis comme faisant fonction d'ingénieur participé à d'importants travaux tels que : construction du beau pont de la Roche-de-Glun sur l'Isère, défense du pont de Saint-Amand contre la débacle du Cher en 1830, dessèchement des marais d'Yères et de Dun-le-Roi, il fut placé en congé illimité, entra en relations avec Paulin Talabot, le futur directeur de la compagnie P.-L.-M. et collabora aux études pour les canaux de Beaucaire et des Landes, pour les chemins de fer du Gard et du Midi et créa à Nîmes un type de caserne-cité pour les ouvriers. Entre temps, il fut chargé d'une mission en Grande-Bretagne et en Belgique, en vue d'étudier le fonctionnement des lignes ferrées en exploitation; il fit des travaux analogues en Algérie, près de Bône (Annaba) et Philippeville (Skikda).

C'est au cours de ces divers travaux qu'il imagina les plans bis-automoteurs de la Grand-Combe, et les perfectionnements divers qui permirent d'exécuter les nivellements avec plus de célérité, d'exactitude et en même temps plus d'économie; tels sont notamment : l'emploi de la mire parlante qui permet à l'opérateur lui-même de faire dans la lunette de son instrument les lectures des nombres d'où il conclura les différences de niveau; l'adjonction à l'opérateur d'un aide, appelé lecteur, qui fait et inscrit en double et tacitement les lectures sur la mire, conjointement avec l'opérateur, de manière à supprimer les fautes inévitables. L'erreur commise, quelle que fut l'étendue du nivellement, et bien qu'un peu supérieure à ce que l'on croyait alors, fut en réalité réduite à un petit nombre de centimètres dans l'ensemble, et à quelques millimètres dans le détail. C'est avant 1848 que Bourdaloue publia deux premières notices sur les nivellements, et dans la seconde, il donne un répertoire des repères généraux des chefs-lieux de départements, etc.

Cette spécialité le fit nommer en 1847 directeur de la brigade pour les études de topographie et nivellement, dans l'isthme de Suez et la basse Egypte; étude dont il publia les résultats, et qui, en démontrant l'égalité de niveau entre la Méditerranée et la mer Rouge, détruisit l'erreur commise par la commission d'Egypte qui admettait une dénivellation de 10 m entre les deux mers. De 1850 à 1851, Bourdaloue, retiré dans sa ville natale, entreprit à ses frais le nivellement général du département du Cher, opération dont il inscrivit les résultats sur une grande carte et auquel il consacra six années d'opération et 80,000 F prélevés sur sa fortune privée : il fut alors remis en activité comme conducteur principal, et fit entre temps les études de nivellement pour le passage des Alpes au Mont-Cenis; par la suite, il fit un travail analogue pour une partie des voies ferrées de Paris à Lyon, pour la Loire, le Rhône (220 km avec 2 cm d'erreur) et la ville de Lyon, et publia les résultats de toutes ces opérations. Enfin ce fut en 1859 que le gouvernement lui confia les travaux relatifs aux lignes de base du Nivellement général de la France. Ces opérations, commencées le 29 septembre 1857 et terminées en mai 1863 (5 ans 1/2) comprennent le nivellement de 15,000 km environ de lignes de base et la pose de 15,000 repères en fonte scellés sur des supports fixes : les résultats en sont consignés dans 3 vol. in-8 formant un ensemble de 2000 pages. Ce fut un événement très remarqué dans le monde scientifique. 

Bourdaloue a donc été, au point de vue des nivellements de précision, un véritable initiateur, et son nom restera indissolublement lié à l'histoire de ces belles opérations qui ont été après lui imitées partout en Europe (L'histoire de la géodésie). Il est mort comblé d'honneurs. (F. P.).

.


Dictionnaire biographique
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004 - 2009. - Reproduction interdite.