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Saint Bonaventure

Giovanni di Fidanza, plus connu sous le nom de Saint Bonaventure a été un évêque et un docteur de l'Eglise, Doctor Seraphicus. Il est né en 1221 à Bagnorea (Toscane), mort en 1274.  Il avait reçu au baptême le nom de Jean (Giovanni); mais à l'âge de quatre ans, il tomba si dangereusement malade, que les médecins désespéraient de sa guérison; sa mère le recommanda aux prières de François d'Assise, promettant, s'il guérissait, de le mettre au nombre des religieux que ce saint dirigeait. François pria pour l'enfant et le voyant guéri, il s'écria : O Buona ventura! De là, le nom qui remplaça celui de Jean de Fidanza, On s'appliqua à entretenir en lui le souvenir de cette guérison et de la promesse qui l'avait précédée. En 1243, à l'âge de vingt-deux ans, il entra dans l'ordre des frères mineurs, pour accomplir le voeu de sa mère.

Il fut envoyé étudier à Paris, où les franciscains occupaient une des douze chaires de la faculté de théologie; il y eut pour maître Alexandre de Hales, surnommé Doctor irrefragabilis et Fons vitae (mort en 1245). Ce maître, admirant l'innocence des moeurs de son élève, disait  :

 Il semble que le péché d'Adam n'a point passé dans Bonaventure.
Jean de Rochelle remplaça Alexandre et lui-même fut remplacé par Bonaventure (1253). Trois ans auparavant, celui-ci avait déjà obtenu la permission de faire des leçons sur les Sentences de Pierre Lombard; en 1254, il fut reçu docteur. 

Bonaventure enseigna la philosophie et la théologie avec un succès égal a celui du dominicain Thomas d'Aquin. Quoique appartenant à des ordres rivaux et suivant des méthodes fort différentes, ces deux docteurs étaient unis par une amitié qu'aucun dissentiment ne troubla jamais. Leurs succès et la prétention des ordres auxquels ils appartenaient de refuser, à raison de leurs privilèges, de se soumettre aux statuts de l'Université, émurent les professeurs séculiers. Guillaume de Saint-Amour attaqua l'institution même des ordres mendiants dans plusieurs traités, dont le plus important, De periculis novissorum temporum, composé en 1256, signale avec habileté et avec vigueur les dangers et les abus résultant de cette institution, qu'il ne nomme pourtant pas. Thomas d'Aquin et Bonaventure répondirent; la réponse de ce dernier est contenue dans les traités Libellus apologeticus in eos qui ordini fratrum minorum adversantur et De paupertate Christi, adversus magis trum Guillelmum.

En cette même année, Bonaventure, qui n'était encore âgé que de trente-cinq ans, fut élu général de son ordre en remplacement de Jean de Parme, qui l'avait désigné pour son successeur. S'empressant de tenir compte de quelques-uns des reproches de Guillaume de Saint-Amour, il écrivit à tous les supérieurs des franciscains (23 avril 1257), pour réclamer le retour à la règle, et ordonner de réprimer la cupidité, l'oisiveté et le vagabondage qu'on imputait aux frères; dans une autre lettre, il réprimandait les religieux, à cause de leurs empiétements sur les droits des prêtres séculiers et de leurs obsessions auprès des malades pour obtenir des legs. Cependant, malgré son mysticisme, il fut le constant adversaire de la tendance des franciscains dits spirituels. A l'égard d'une autre tendance fort différente, il convient de noter que ce fut sur ses ordres qu'on empêcha Roger Bacon de donner des leçons à Oxford et qu on le mit en surveillance à Paris. En 1263, Bonaventure sollicita sans succès Urbain IV de décharger les franciscains de la direction des religieuses de sainte Claire, en souvenance, dit-on, de ces paroles de saint François d'Assise

Dieu nous a été les femmes, mais j'appréhende fort que le diable ne nous ait donné des soeurs pour nous tourmenter.
Nommé archevêque d'York par Clément IV, il obtint de lui la permission de ne pas accepter cet office. Après la mort de ce pape (1268), le siège apostolique resta vacant pendant près de trois ans, les cardinaux ne pouvant s'accorder sur l'élection de son successeur. On rapporte qu'en fin ils s'engagèrent à nommer celui que Bonaventure désigrerait. Il désigna Thibaud Visconti, archidiacre de Liège, qui était alors en terre sainte et qui prit le nom de Grégoire X. En 1273, ce pape lui imposa l'évêché d'Albano et, peu après, le nomma cardinal prêtre. En 1274, il fut envoyé comme légat au concile de Lyon; il y prêcha la seconde et la troisième session; mais il mourut trois jours avant la fin du concile. On lui fit des funérailles magnifiques, auxquelles tous les membres du concile, le pape lui-même et des rois assistèrent. Son oraison funèbre fut prononcée par Pierre de Tarentaise, évêque d'Ostie. Dante l'avait placé dans le paradis; Sixte IV le canonisa en 1482; Sixte V, en 1587, le mit, sixième en rang, au nombre des docteurs de l'Eglise, et lui confirma le titre de Doctor Seraphicus, le plaçant ainsi au-dessus de saint Thomas d'Aquin, qui n'était que Doctor Angelicus. Ce pape était franciscain lui-même.

Les ouvrages de saint Bonaventure ont été recueillis et imprimés pour la première fois à Rome, sur l'ordre de Sixte V et par les soins de Buonafocco Farnara, franciscain (1588-1596, 7 vol. in-fol.). C'est sur cette édition qu'a été faite celle de Lyon, 1668 (7 vol. in-fol.). Autres éditions : Mayence, 1609 (7 vol. in-fol.); Venise, 1751-1756 (14 vol. in-4); Paris, 1863-1872 (14 vol. gr. in-8); Florence, 1884, nouvelle édition publiée par les franciscains. Les Oeuvres spirituelles ont été traduites par le P. Berthomier (Paris, 1855, 6 vol. in-8). Parmi les reproductions partielles et les traductions on peut aussi placer l'ouvrage suivant : Alix, Théologie séraphique, extraite et traduite des oeuvres de saint Bonaventure (Paris, 1853-1856, 2 vol.). Dans l'ordre de l'édition de Lyon, les oeuvres de saint Bonaventure comprennent Méditations, expositions et sermons (3 vol.); Commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard (2 vol.); traités divers, opuscules et hymnes (2 vol) : en totalité, quatre-vingt-huit ouvrages. L'authenticité de quelques-uns des écrits qui lui sont attribués, est fortement contestée, et tout particulièrement celle du Psautier de le sainte Vierge. La Somme théologique qui porte son nom a été composée par le P. Trigose, capucin (2e édition, Lyon. 1616).

Quoique les franciscains aient toujours grandement prisé l'honneur de posséder le Docteur Séraphique, la doctrine caractéristique de leur ordre procède, non de Bonaventure, mais de Duns Scot, qui représente une méthode et une tendance fort différentes. Bonaventure visait à l'édification infiniment plus qu'aux subtilités de la scolastique; et son oeuvre tient une place beaucoup plus grande dans l'histoire des développements de la dévotion et du culte que dans celle des disputations théologiques. Reprenant la tradition de l'école de Saint-Victor, qui s'était efforcée d'unir à l'explication dialectique de la doctrine ce qui sert à la piété et conduit à la contemplation, et de tenir le milieu entre une spéculation sans onction et sans chaleur, et une mysticité sans lumière, il joignit à l'emploi. de la scolastique dans l'étude de la théologie celui du mysticisme, dans un but d'édification. II fit de la théologie une scientia affectiva, constituant une sorte de mysticisme à la fois pratique et spéculatif. Pour lui, le but suprême, c'est l'union avec Dieu dans la contemplation et dans un intense et absorbant amour. Ce but ne peut être complètement atteint dans cette vie; mais il doit former la souveraine espérance de l'avenir, et il faut que tout y tende. Bonaventure part de ce principe, qu'on ne peut parvenir à la complète intelligence des choses divines au moyen du raisonnement et des définitions : ce qui la donne, c'est la lumière surnaturelle qu'un cour pur obtient par une foi profonde, une pieuse contemplation et l'exercice des vertus chrétiennes. Des idées mystiques et ascétiques forment le fond de la plupart de ses écrits. 

A la théologie scolastique appartiennent les Commentaires sur le Maître des sentences et un court traité, Breviloquium; son Centiloquium, ainsi dénommé a cause des cent chapitres dont il se compose, est un manuel pour les commençants. L'exposé systématique de ses conceptions est présenté sommairement dans la Reductio artium ad theologiam. Pour revenir à Dieu, dont il a été séparé par la chute, l'humain doit franchir quatre degrés : au premier, il est éclairé par la lumière extérieure, d'où viennent les arts mécaniques; au second, par la lumière inférieure, celle des sens, qui procure les notions expérimentales; au troisième, par la lumière intérieure, celle de la raison, qui, par le moyen de la réflexion, élève l'âme jusqu'aux choses intelligibles; an quatrième par la lumière supérieure, qui ne vient que de la grâce et qui seule révèle les vérités qui sanctifient, La raison naturelle, en commençant par l'observation empirique et en s'élevant de plus en plus par le raisonnement, peut parvenir jusqu'aux limites extrêmes de la nature créée; mais, pour atteindre aux réalités surnaturelles, elle n'a d'autre guide que la foi. C'est ainsi que toutes les sciences sont ramenées à la théologie, qui est leur couronnement. Il y a donc deux domaines, celui de la philosophie et celui de la foi. La philosophie ne donne pas la certitude; la foi seule peut la procurer; et, même dans l'ordre naturel, une assertion secundum pietatem est tenue par Bonaventure pour plus certaine que celle qui est présentée au nom de la science.

Dans son Commentaire sur lés quatre livres des Sentences et dans quelques autres de ses traités, Bonaventure expose et défend amplement les doctrines et les institutions du Moyen âge, et tout particulièrement les plus récentes : transsubstantiation, communion sous une seule espèce, et il fait l'apologie du célibat des prêtres et de la vie monastique, qu'il considérait comme le plus sûr moyen de grâce. Enthousiaste de la virginité, qu'il estimait une sorte de vertu théologale, il avait voué à Marie une dévotion exagérée, et il contribua puissamment à développer ce culte. Dans un chapitre général tenu à Pavie, il ordonna aux religieux de saint François d'exhorter le peuple à adresser à la sainte Vierge une prière, au son de la cloche du soir (Angelus). Les principaux de ses ouvrages mystiques sont l'Itinerarium mentis ad Deum et le traité De septem gradibus contenplationis. Il y décrit, d'après  Richard de Saint Victor. Le chemin qu'il faut suivre pour connaître Dieu dans la pureté de son essence et arriver au point suprême de l'intelligence, où, délivré de toute image et de toute notion, l'humain sort de lui-même pour ne plus voir que Dieu et le posséder dans l'extase d'une sainte contemplation. 

En dédiant à une religieuse de sainte Claire ses Méditations sur le vie de Jésus-Christ, Bonaventure lui écrivait : 

Je vous raconterai les actions de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la manière dont on peut se les représenter par l'imagination; car rien n'empêche de méditer ainsi, même l'Ecriture sainte
En effet, il y a énormément d'imagination dans les Méditations, ainsi que dans la Biblia pauperum, et dans la plupart des ouvrages d'édification de Bonaventure. Non seulement il appliquait aux textes authentiques un système outré d'interprétation allégorique, permettant d'y trouver tout ce qu'il y mettait; mais beaucoup des faits qu'il cite ne sont ni dans l'Ancien ni dans le Nouveau Testamentil les avait pris dans les apocryphes et dans les légendes, peut-être même quelques-uns dans les visions de ses extases. Suivant le même goût, sont choisis ses titres imagés : Carquois, Arbre de vie, Couronne de Marie, Miroir de la sainte Vierge, Diète du salut, les Six ailes des Chérubins, les Six ailes des Séraphins, les Vingt pas des novices, Aiguillon de l'amour divin. C'est par là surtout qu'il a fait école dans la littérature dévote. Il mit en vers les sentences des quatre livres de Pierre Lombard; on lui attribue la prose Lauda, Sion, Salvatorem.

En philosophie, il professe l'existence des universauxante rem, suivant la formule platonicienne : idées que Dieu avait produites d'abord dans son intelligence, comme des types d'après lesquels les diverses choses ont été créées. Il tient la matière pour une pure potentialité, qui ne reçoit son existence propre que de la puissance formative de Dieu; elle ne peut être considérée séparément de la forme. L'individuation résulte de l'union de la forme et de la matière. (E. H. Vollet). 

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