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Bello

Andrès Bello est un poète, philologue, publiciste, homme d'État chilien, né à Caracas (Venezuela) le 29 novembre 1781 (et non en 1780), mort à Santiago-de-Chile le 15 octobre 1865. Il  était fils d'un avocat, Bartolomé Bello. Élevé dans une ville qui tenait alors, en Amérique du Sud, la première place au point de vue de la culture intellectuelle, il reçut une forte instruction classique, et, jeune homme, il passait déjà pour le meilleur latiniste de son pays. Son talent de poète se révéla par des imitations heureuses de Virgile, d'Horace, de Voltaire même, et par quelques pièces originales où sa muse juvénile se complaisait encore dans l'intervention des allégories mythologiques. D'autre part, nourri dès l'enfance de la lecture de Calderon, il en garda toujours une vive empreinte dans son style et dans sa versification; il y puisa aussi ce culte de la vieille langue castillane qui fit de lui le gardien jaloux de sa pureté. S'inspirant de la théorie du verbe de Condillac, il rédigea, avant 1810, une Analisis ideologica de los tiempos de la conjuyacion castellana, qui ne fut imprimée qu'en 1841, à Valparaiso.

Attaché, en qualité de deuxième secrétaire, à la secrétairerie de gouvernement du capitaine général des provinces de Venezuela, puis nommé commissaire des guerres, il occupait ce dernier poste (qui équivalait au rang de lieutenant-colonel) au moment où Caracas se révolta contre la métropole (avril 1810). Deux mois après, il quitta à jamais sa ville natale, en compagnie des plénipotentiaires Bolivar et Lopez Mendez, et en qualité de secrétaire de la commission diplomatique, chargée par le gouvernement insurrectionnel de Caracas d'aller solliciter l'appui, du Cabinet britannique. Après l'échec de cette mission et l'écrasement des indépendants du Venezuela, Andrès Bello resta à Londres, se fit professeur pour vivre et se livra à l'étude. Il collabora activement à des périodiques fondés dans cette ville par des littérateurs hispano-américains émigrés, au Censor americano, à la Biblioteca americana et au Repertorio americano, notamment par des articles de critique littéraire et de philologie. ll traduisit alors quatorze chants de l'Orlando, de Bojardo, un morceau des Jardins, de Delisle, et publia (1823-1826) des fragments d'un poème sur l'Amérique, qui ne fut jamais achevé. Ces fragments, intitulés Alocucion a la poesia et Silva a la Agricultura de la zona torrida, le dernier surtout, comptent au nombre des plus beaux textes en espagnol.

Andrès Bello exerçait à Londres les fonctions de secrétaire de la légation de la Colombie, lorsqu'il fut invité par le président du Chili à accepter un poste officiel dans ce pays (1829). Il trouva la jeune république dans un état de crise latente, menacée par des factions hostiles, et mal défendue par un gouvernement faible; de plus, une indifférence complète pour les lettres y régnait dans toutes les classes de la société. Nommé, cette année même, directeur du journal officiel El Araucano et secrétaire d'État des affaires étrangères, il rendit des services inappréciables à son pays d'adoption dans ce poste difficile qu'il n'abandonna qu'en 1852, et où il fut ministre effectif, sans avoir jamais voulu l'être en titre. Bello se fit le promoteur de toutes les améliorations, dans l'ordre civil, politique et intellectuel. Il s'occupa avant tout de l'éducation littéraire de cette société que, sous ce rapport, de longues luttes sanguinaires avaient rendue semi-barbare. A cet effet il fonda le collège de Santiago et il s'y prodigua pour enseigner les humanités, le droit romain, les sciences politiques. Ce modeste établissement devint en 1843 université de Chili, et Bello en resta recteur jusqu'à sa mort. En 1836, il publia ses leçons sur Ortologia y Metrica, où il consigna des faits que certains jeunes philologues on crut par la suite avoir trouvés les premiers.

S'étant presque interdit, pendant dix ans, en faveur de sa tâche d'éducateur national, des travaux personnels, il y revint avec ardeur. Ses rares préoccupations ne tarirent pas en lui la source de l'inspiration poétique. De tous les génies de son siècle, c'est Victor Hugo qui eut le plus d'influence sur les poètes de l'Amérique méridionale; et Bello, de 1842 à 1844, traduisit librement et d'une façon magistrale cinq de ses pièces : les Fantômes, Olimpio, les Djinns, Moïse sur le Nil et la Prière pour tous. Après ce dernier hommage aux muses (car il n'écrivit plus que quelques fables et des vers de circonstance), il retourna de nouveau à ses graves études. Il publia d'abord dans le journal el Crepùsculo sa Teoria del entendimiento, où il se fit le champion de la philosophie écossaise; il inséra ensuite dans la feuille officielle qu'il dirigeait un Proyecto de Codigo civil, et plus tard il fut un des principaux collaborateurs dans la refonte générale des lois du Chili.

En 1840, il avait publié le premier jet d'un traité sur le droit des gens (Principios de derecho internacional), auquel il travaillait depuis son séjour à Londres, ouvrage qui eut un succès prolongé El Crepusculo renferme de sa plume deux études remarquables, longtemps inconnues en Europe : sur les Origines des romans de chevalerie et de l'Influence de la poésie germanique sur la poésie romane. Il entreprit ensuite un laborieux travail de restauration sur le Poème du Cid, étude où il montra des vues d'une remarquable pénétration, mais qui ne parut qu'après sa mort. Sa Gramatica de la lengua castellana (Santiago, 1847) est devenue classique.

On a surnommé Bello, et à juste titre, le prince des poètes lyriques de l'Amérique espagnole; non pas qu'il se signala par sa fécondité ni par la profondeur de ses conceptions, mais parce qu'il règne dans ses compositions une majesté sereine, une mélancolie solennelle, une élégance sans recherche, une pureté de langage irréprochable, en un mot les plus hautes qualités de style, qui font de lui un artiste incomparable en poésie. Tous les critiques des Espagnes l'ont proclamé l'un des plus grands maîtres qui aient manié la langue castillane. Mais il fut plus qu'un écrivain illustre : ce fut un apôtre de la culture européenne. Son action s'étendit à l'Amérique espagnole tout entière et c'est à l'influence bienfaisante, tenace et prolongée de ce grand personnage que le Chili est redevable de sa longue période de tranquillité, de son état prospère et de la haute culture qui s'y est épanouie par la suite. Aussi son pays d'adoption lui rendit-il tous les honneurs il fut élu sénateur, sa mort fut ressentie comme un deuil public, le Parlement vota (1872) l'impression d'une édition monumentale de ses ouvrages aux frais de l'État (Obras completas; Santiago, 1881-1885, 8 vol. in-4). (G. Pawlowski).

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