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Bailly

Jean-Sylvain Bailly est un astronome est homme politique né à Paris le 15 septembre 1736, guillotiné à Paris le 12 novembre 1793. 

Son père, Jacques Bailly (né en 1701, mort en 1768) était garde des tableaux du roi. Il fut élevé et instruit dans sa famille même. A seize ans, il composa deux tragédies, que l'acteur Lanoue lui fit jeter au feu. Mis en relations avec l'abbé de La Caille, il sentit s'éveiller sa vraie vocation et, en 1760, de la fenêtre de l'appartement du Louvre où habitait sa famille, il fit ses premières observations, relatives à une opposition de la planète Mars. L'année suivante, il est associé à La Caille dans l'observation du passage de Vénus sur le Soleil. En 1763, il entra à l'Académie des sciences et commença ses recherches sur les satellites de Jupiter, dont il présenta les résultats en 1771. En 1767 et en 1768, il composa, pour divers concours académiques, des éloges de Charles V, de Leibniz, de P. Corneille, de Molière. En 1772, le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, Grandjean de Fouchy, demanda et obtint Condorcet comme suppléant en survivance : ce fut une déception pour Bailly, à qui cette place avait été promise et qui alors ne voyait rien au-dessus des honneurs académiques.
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Bailly.
Jean-Sylvain Bailly (1736-1793).

De 1775 à 1787, il publia son Histoire de l'astronomie, que François Arago juge admirable pour le temps. En 1777, il se lia avec Benjamin Franklin, qui appréciait la taciturnité de ce Français : cette liaison préparera Bailly au beau rôle politique, à l'attitude civique et courageuse qui l'honoreront au début de la Révolution. En 1783, il entra à l'Académie française, et son indépendance ne tarda pas à le brouiller avec son ami et protecteur Buffon, qui ne put l'empêcher de voter pour Sedaine, auquel le grand styliste ne pouvait pardonner, dit Arago, d'avoir écrit : « Le style, ce n'est rien ou c'est peu de chose! » Il se fit connaître du grand public par son rapport sur le mesmérisme fait au nom de la commission chargée par le roi d'examiner cette prétendue doctrine (1784) : avec, une verve et un bon sens impitoyables, il dévoila  dans un rapport important sur le Magnétisme animal  le charlatanisme de Mesmer et la naïveté de ses adeptes, dont quelques-uns portaient des noms illustres A la même époque, il fut chargé par l'Académie des sciences de rédiger un autre rapport sur le Projet d'un nouvel Hôtel Dieu. Ses autres rapports, sur les hôpitaux et sur les abattoirs, sont d'un philanthrope et d'un savant. Bailly avait grande et bonne réputation quand la Révolution éclata. 
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L'homme politique.
En 1789, au moment des Etats généraux, Bailly fut nommé le 31 avril 1789 par les électeurs de Paris premier électeur de son district et, peu après, il devint secrétaire de l'Assemblée générale des électeurs dont il rédigea ainsi les célèbres procès-verbaux, tout en prenant une part à la composition des cahiers de son district et de l'Assemblée générale. Le 14 mai, il fut élu premier député de Paris par 173 voix. Le 3 juin, les communes le choisirent pour leur doyen, et c'est en cette qualité qu'il sollicita une audience du roi au moment de la maladie du Dauphin, et se fit accuser d'inconvenance par la réaction pour avoir demandé à être reçu quand le roi recevait les députations du clergé et de la noblesse. C'est dans ces pourparlers qu'il répondit à M. de Barentin, occupé à chercher une différence de cérémonial entre le tiers et les ordres privilégiés : 

« Ne prenez plus la peine de chercher; quelque légère que fût la différence, les communes ne la souffriraient pas. »
C'est aussi avec une fermeté grave et invincible que cet homme de devoir présida aux grandes et dramatiques journées des 17, 20, 23 juin, et dirigea les premiers pas, si décisifs, de la Révolution française. Il n'était pas orateur, sa figure manquait de grâce, et pourtant ses allocutions comme président de l'Assemblée nationale sont des modèles de convenance et de dignité : l'esprit de 1789 animait sa parole un peu compassée, et il y eut dans son attitude une grandeur sereine.

Le 15 juillet, les électeurs parisiens, réunis à l'Hôtel de ville, acclamèrent La Fayette commandant général de la garde bourgeoise (devenue ensuite garde nationale), et Bailly maire de Paris. Bailly décida Louis XVI à venir se montrer aux Parisiens et, en lui présentant les clefs, il lui dit : 

« Henri IV avait reconquis son peuple, ici le peuple a reconquis son roi.» 
Le mot eut du succès. Mais Bailly avait imprudemment mis sa confiance dans Louis XVI et sa popularité décrut avec celle du roi. Le peuple de Paris ne lui sut pas assez de gré des efforts prodigieux et secrets qu'il fit pour assurer l'approvisionnement, si difficile alors, de la capitale. On lui reprocha bientôt de m'être plus l'homme de la situation. Marat l'attaqua. Camille Desmoulins le blâma pour abus de pouvoir, notamment pour avoir délivré des brevets de capitaine de la garde nationale. On dauba sur sa vanité :
 « Pourquoi devant sa voiture, dit Camille Desmoulins, ces gardes à cheval et, derrière, ces laquais à livrée, profanateurs de la cocarde nationale et aux couleurs de la liberté sur leur chapeau, alliant sur toutes les coutures de leur habit les couleurs honteuses de la servitude? Pourquoi encore ce traitement de 110,000 livres que s'est appliqué le maire de la capitale? » (Révolutions de France et de Brabant, n° 6).
Et l'administrateur Manuel écrivit à Camille Desmoulins (ibid., n° 8), au sujet des allures autoritaires de Bailly :
« Avec le désir que ne dissimule pas M. Bailly de faire couler dans son cabinet les plus petits ruisseaux de chaque département, son secrétariat deviendrait un gouffre ou toutes les affaires se déroberaient à la surveillance active de ses juges; et messieurs les administrateurs, qui ne pourront jamais aspirer qu'à de l'estime, partageraient peut-être, à leur insu, la célébrité injurieuse d'un commis. »
ll est probable que l'exactitude méticuleuse de Bailly agaçait ses collègues; mais on voit qu'aucun grief sérieux ne fut allégué contre son administration.

L'acte grave de sa vie politique, celui qui le perdit dans l'opinion de ses contemporains, c'est la fusillade du Champ de Mars, le 17 juillet 1791. Arago a parfaitement établi la légitimité et la légalité de la pétition républicaine signée ce jour-là sur l'autel de la patrie. Le matin de cette journée, on sait que deux polissons cachés sous l'autel furent surpris et massacrés, non par les pétitionnaires, mais par les habitants du Gros-Caillou. L'Assemblée et le maire crurent ou feignirent de croire que ces meurtres étaient l'oeuvre des républicains, et le président de la Constituante fit officiellement appel à la vigilance et à la sévérité de Bailly.

Cependant, à la nouvelle du double meurtre commis au Gros-Caillou, le corps municipal avait chargé trois de ses membres, Hardy, Regnault, Le Roux, d'aller s'enquérir et faire exécuter la loi. Le procès-verbal de leur mission, dont on n'a pas tenu assez compte; est écrasant pour Bailly. Je l'analyse et le cite d'après la copie officielle qui se trouve aux Archives nationales, W 294, n° 235. La garde nationale et La Fayette avaient devancé les trois commissaires. Quelques pierres étaient lancées. 

« Nous nous préparions, disaient les commissaires, à ordonner à M. le commandant général de donner les ordres les plus sévères à la garde nationale, lorsqu'on nous annonça une députation des citoyens composant le club des Cordeliers, rassemblés sur l'autel de la patrie. A la tête de la députation était un chevalier de Saint-Louis qui portait la parole. »
Il leur assura « qu'ils venaient de faire une pétition à l'Assemblée nationale et ne demandaient que le temps de la signer pour se retirer ». 

Les trois officiers municipaux accompagnèrent les Cordeliers sur l'autel de la patrie, où ils furent l'objet, dirent-ils eux-mêmes, de tous les égards imaginables.

« Ils ne nous ont donné que des marques de soumission à la loi et à ses organes.  Ils nous offrirent d'envoyer une députation au corps municipal, ce que nous acceptons, en prenant d'eux la parole qu'ils se sépareraient à mesure qu'ils auraient signé leur pétition; et nous nous promîmes d'attendre leur députation pour la conduire nousmémes au corps municipal. Nous nous retirâmes chez M. Larive avec La Fayette. De chez M. Larive nous envoyâmes une seconde lettre à la maison commune, qui donnait avis de l'incident qui nous retenait plus longtemps que nous n'avions pensé; et que nous nous rendrions au corps municipal aussitôt que nous serions libres. La pluie survint. Une personne qu'on nous a dit être attachée à la municipalité est arrivée avec un carrosse de place. Nous en avons profité pour nous rendre au champ de la Fédération. Nous y avons été accueillis avec le même empressement et les mêmes égards, la députation a été nommée; elle est revenue avec nous à l'Hôtel-de-Ville. Nous observerons que quand nous sommes retournés à l'autel de la patrie, le nombre des citoyens qui l'occupaient était de beaucoup augmenté. Dans toutes nos démarches, nons nous sommes concertés avec le général, qui a en tout applaudi à nos mesures de douceur et a constamment donné des ordres en conséquence. - Quelle a été notre surprise, en arrivant sur la place de l'Hôtel-de-Ville, d'apprendre qu'on y proclamait la loi martiale! M. Le Roux était resté sur la place. Il a prié deux officiers municipaux de suspendre la proclamation jusqu'à ce qu'ils aient été entendus au corps municipal. Comme il entrait, M. Hardy achevait son récit. Un membre demanda la parole ensuite. Lorsque M. Le Roux voulut la prendre, on lui représenta que l'arrêté était pris; il observa que la malheureuse affaire qui avait fini par l'assassinat de deux hommes était tout à fait distincte de celle du rassemblement des citoyens du club des Cordeliers, qui n'avaient en rien, à leurs yeux, manqué à la loi il demanda que les députés fussent entendus.. On sortit du conseil; il pria ses collègues de rentrer dans la salle; il acheva le récit qu'il avait commencé, il fit remarquer que les députés, qui avaient sa parole et celle de ses collègues, les regarderaient comme des traîtres et des gens sans foi. Le drapeau rouge était déployé, la loi était proclamée dans la place : le corps municipal leva la séance et alla achever la proclamation dans le reste de la ville. »
Ils demandèrent acte de leur déclaration, et il faut lire au procès-verbal sur quels considérants le corps municipal passa outre! Ils peuvent se résumer ainsi :
« C'est trop tard; il y a assez longtemps que le parti républicain nous brave; d'ailleurs, il est l'instrument de l'étranger. » (Ce procès-verbal de la Commune était au dossier de Bailly : il en existe aussi un exemplaire imprimé à la Bibliothèque nationale).
Le lendemain, Bailly osa dire à l'Assemblée que sa sévérité avait été indispensable, nécessaire :
« L'ordre public était entièrement détruit, dit-il, la patrie en danger...»
Michelet a dit que Bailly ne fit qu'obéir aux ordres de l'Assemblée constituante. Or, la lettre du président Treilhard (et non Lameth) est au dossier. Elle parle de troubles et d'excès au Champ-de-Mars dont « le bruit s'est répandu ».
« L'Assemblée nationale m'a chargé de vous en prévenir, afin que vous preniez sans délai les mesures les plus sûres et les plus rigoureuses pour arrêter ces désordres et en connaître les auteurs. » 
Etait-ce là un ordre formel de proclamer, sans enquête, la loi martiale?

Dans son interrogatoire (14 brumaire an II), à propos de son rôle au 17 juillet 1791, Bailly répondra :

 « qu'il a toujours respecté infiniment les droits du peuple, qu'il s'est exposé avec courage pour les faire reconnaître, qu'il était indigné comme tous les bons citoyens de la fuite du ci-devant roi, qu'il ignorait par qui et comment le rassemblement était composé, qu'on ne lui avait point fait part de son objet et que la municipalité ni lui ne l'avaient connu précisément que par les ordres exprès de l'Assemblée notifiés la veille pour dissiper le rassemblement, que le principe de la municipalité était la soumission au corps constituant, qu'il n'a été donné aucun ordre par la municipalité ni par lui pour déployer la force et que la garde nationale provoquée a tiré d'elle-même et sans ordre ».
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Bailly.
Bailly.

Quoi qu'il en soit, Bailly porte cette responsabilité terrible devant l'histoire d'avoir fait proclamer en place de Grève la loi martiale contre des pétitionnaires sur l'attitude pacifique desquels il avait été indubitablement renseigné. Il rendit possible cette horrible effusion de sang, ce massacre de paisibles citoyens, de femmes et d'enfants, dont il se vanta le lendemain à la tribune de l'Assemblée comme d'un acte indispensablement nécessaire. Il tacha sa gloire, il déshonora le parti constitutionnel et il donna un prétexte aux violences populaires. Il faut lire sur cette affaire, sur l'attitude politique de Bailly, maire de Paris, non seulement les documents qui forment son dossier au tribunal révolutionnaire, mais sa correspondance officielle avec La Fayette, dans les papiers du Comité du salut public (AF, II, 48) : ces textes authentiques confirment sur tous les points graves le récit publié dans les Révolutions de Paris, par Chaumette (nos CVI et CVII). Oui, Bailly écouta dans cette circonstance les conseils de son amour-propre blessé, ses rancunes d'homme de parti, sa vanité de haut fonctionnaire et il voulut donner à ses ennemis les républicains une leçon violente. Est-ce à dire que le jugement qui l'envoya à l'échafaud fut équitable? Voici à quelles questions le jury eut à répondre

« 1° Est-il constant qu'il a existé entre Louis Capet et sa femme et autres un complot tendant à troubler la tranquillité intérieure de l'Etat, à exciter la guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, en portant atteinte à la liberté du peuple, et dont la suite a été le massacre d'un nombre considérable de citoyens au Champ de Mars le 17 juillet 1794? 

2° Jean-Sylvain Bailly est-il auteur ou complice de ce complot et de son exécution? La déclaration des jurés est affirmative suries deux questions. Ce 20 brumaire an II; 

                             signé : Dobsent, président. » 

Non, Bailly n'entra pas dans un complot : c'est au grand jour qu'il se laissa aller
à une violence que n'autorisait ni la haine politique, ni même la loi. Néanmoins, en considération des services rendus antérieurement à la Révolution par cet homme intègre, le tribunal révolutionnaire aurait dû, à notre avis, l'acquitter.

Bailly quitta la mairie le 12 novembre 1794 et voyagea en province pour sa santé, sans s'occuper des affaires publiques. Mais on ne l'avait pas oublié; arrêté à Melun à la fin de juillet 1793, il fut transféré à Paris, d'abord aux Madelonnettes, puis à la Force. Après avoir été entendu comme témoin dans le procès de Marie-Antoinette, où il fit une déposition courageuse, il comparut, le 10 novembre 1793, devant le tribunal révolutionnaire, sous la double inculpation d'avoir favorisé la fuite à Varennes et d'avoir versé le sang au Champ-de-Mars. Il réfuta sans peine le premier grief, que l'accusation ne retint pas; mais, quant au second, il fut écrasé sous les faits. Son interrogatoire, signé de lui, le condamne. Quant aux débats publics du procès, ils ne le condamnent pas moins : mais on sait avec quelle inexactitude sont rédigés les comptes rendus du Bulletin du tribunal révolutionnaire. L'essentiel se trouve, d'ailleurs, dans l'interrogatoire (Archives nationales, W 294, n° 235), sauf l'incident relatif au drapeau rouge. On accusait Bailly d'avoir fait déployer un drapeau si petit qu'il était presque invisible. On le retrouva, et il lui fut représenté :

 « Je crois, répondit-il, que l'usage que l'on voulait en faire était, en cas d'événements dans quelque endroit de Paris, d'envoyer un officier municipal avec ce petit drapeau qu'il aurait mis dans sa poche et qu'il aurait ensuite déployé à son arrivée, pour dissiper les attroupements. »
Le jugement qui condamna Bailly à mort se terminait ainsi :
« Le tribunal [...] ordonne qu'à la diligence de l'accusateur public le présent jugement sera exécuté sur l'esplanade entre le Champ-de-Mars et la rivière de Seine, dans les 24 heures; que le drapeau rouge dont il est question au procès sera attaché derrière la voiture et traîné jusqu'au lieu de l'exécution, où il sera brûlé par l'exécuteur du jugement. » 
Mais la foule s'opposa à cette exécution sur la terre « sacrée » du champ de Mars. 
« En conséquence, dit le Bulletin du tribunal révolutionnaire, chacun s'empressa à démonter la guillotine pour la transporter dans un des fossés qui se trouvent sur le bord de la Seine, au dehors du Champ-de-Mars, sur la chaussée duquel était arrêté Bailly, qui vit remonter l'instrument fatal. »
Il pleuvait, et Bailly frissonnait; mais il ne fit pas, d'après les traditions recueillies par Arago, la théâtrale réponse que l'on sait. Quelqu'un lui disait : Tu trembles, Bailly; il répondit sans affectation : Mon ami, j'ai froid. On brûla devant lui le drapeau rouge et il monta avec fermeté à l'échafaud. 
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La mort de Bailly

« C'est le 12 novembre 1793 que la sentence rendue contre Bailly par le tribunal révolutionnaire devait être exécutée.

Il demanda et prit, coup sur coup, deux tasses de café à l'eau.

Ces précautions étaient de sinistre augure. « Calmez-vous, disait notre vertueux confrère à ceux qui, dans ce moment suprême, l'entouraient en sanglotant; j'ai un voyage assez difficile à faire, et je me défie de mon tempérament. Le café excite et ranime  j'espère maintenant que j'arriverai convenablement au bout. »

Midi venait de sonner. Bailly adressa un dernier et tendre adieu à ses compagnons de captivité, leur souhaita un meilleur sort, suivit le bourreau sans faiblesse comme sans forfanterie, monta sur la fatale charrette, les mains attachées derrière le dos. Notre confrère avait coutume de dire : « On doit avoir mauvaise opinion de ceux qui n'ont pas, en mourant, un regard à jeter en arrière. » Le dernier regard de Bailly fut pour sa femme. Un gendarme de l'escorte recueillit avec sensibilité les paroles de la victime, et les reporta fidèlement à sa veuve. Le cortège arriva à l'entrée du Champ-de-Mars, du côté de la rivière, à une heure un quart. C'était la place où, conformément aux termes du jugement, on avait élevé l'échafaud. La foule aveuglée, qui s'y trouvait réunie, s'écria avec fureur que la terre sacrée du champ de la Fédération ne devait pas être souillée par la présence et par le sang de celui qu'elle appelait un grand criminel; sur sa demande, j'ai presque dit sur ses ordres, l'instrument du supplice fut démonté, transporté pièce à pièce dans un des fossés, et remonté de nouveau. Bailly resta le témoin impassible de ces effroyables préparatifs, de ces infernales clameurs. Pas une plainte ne sortit de sa bouche. La pluie tombait depuis le matin; elle était froide, elle inondait le corps et surtout la tête nue du vieillard. Un misérable s'aperçut qu'il frissonnait et lui cria : Tu trembles, Bailly. - Mon ami, j'ai froid, répondit avec douceur la victime. Ce furent ses dernières paroles.

Bailly descendit dans le fossé, où le bourreau brûla devant lui le drapeau rouge du 17 juillet, il monta ensuite d'un pas ferme sur l'échafaud. »
 

(F. Arago, Biographie de Bailly, 1844).

Il laissait des notes sur son rôle au début de la Révolution jusqu'au 20 octobre 1789 que l'on publia en l'an XII sous le titre de Mémoires d'un témoin de la Révolution ou Journal des faits qui se sont passés sous ses yeux et qui ont préparé et fixé la Révolution française. Il n'y a pas de document plus sincère et plus précieux pour l'histoire de la formation et des débuts de l'Assemblée constituante. 

L'admirable éloge de Bailly par Arago, que nous avons cité, fut lu à la séance publique de l'Académie des sciences du 26 févembre 1844 et se trouve au t. Il des oeuvres complètes de ce savant. (F.-A. Aulard).


Bailly marchant au supplice.
(Statue de marbre de Jaley).

L'astronome.
Le grand ouvrage auquel Bailly doit surtout sa réputation, Histoire de l'astronomie, qui forme trois livres distincts : Histoire de l'astronomie ancienne depuis son origine jusqu'à l'établissement de l'école d'Alexandrie (Paris,1775- 1781); Histoire de l'astronomie moderne depuis la fondation de l'école d'Alexandrie jusqu'en 1782, (1778-1783, 3 volumes); Histoire de l'astronomie indienne et orientale, 1787. Il avait supposé, dans cet ouvrage, l'existence d'un peuple primitif qui aurait disparu du globe, et auquel il faudrait rapporter la plupart des grandes découvertes; cette assertion l'engagea dans de vives disputes et donna naissance aux Lettres sur l'origine des sciences et sur l'Atlantide de Platon (Platon), qu'il publia en 1777. 

Le style est soigné; les descriptions des phénomènes célestes sont exactes au point de vue scientifique. Mais l'esprit littéraire perce dans les hypothèses plus ingénieuses que vraies du savant auteur. Son inventivité apparaît surtout dans l'Histoire de l'astronomie indienne : les suppositions hardies, romanesques même du savant auteur, sont rejetées par les historiens, mais ont beaucoup plu aux gens du monde. Aussi Bailly fut-il appelé à siéger dans trois académies : l'Académie des sciences, l'académie française (1784) et celle des inscriptions (1785).

En dehors de l'Histoire de l'astronomie, qui est son oeuvre scientifique capitale, nous citerons encore son Recueil d'observations lunaires (1763), ses Recherches sur les étoiles zodiacales (1764), son Essai sur les satellites de Jupiter avec les tables de leurs mouvements (1766), ses Lettres sur l'origine des sciences (1777). (L. Barré).



En librairie. - J. S. Bailly, Histoire de l'astronomie ancienne, depuis son origine jusqu'à l'établissement de l'école d'Alexandrie, rééd. Burillier.
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Dictionnaire biographique
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