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Octave Auguste
La constitution d'Auguste
Aperçu Octave, le caméléon Constitution d'Auguste Administration intérieure Provinces et guerres
En 36, Octave  avait promis qu'une fois la paix rendue à l'État, il lui rendrait aussi la liberté, il rétablirait la République. Il la tint en janvier 27. Voyons ce que fit alors « le caméléon devenu philosophe », le triumvir devenu restaurateur de la République, l'héritier de César prenant le rôle de Brutus. Auguste dit à la fin de son testament :
« Après la fin des guerres civiles, que j'ai apaisées en vertu des pouvoirs extraordinaires qui m'ont été conférés par l'ensemble des citoyens, j'ai remis la direction suprême des affaires entre les mains du Sénat et du peuple romain. A la suite de cela, le Sénat m'a jugé digne de recevoir le titre de Augustus [...]. Dès lors, je fus en dignité le premier de tous les citoyens, mais, en fait de pouvoir, je fus toujours l'égal de mes collègues dans les différentes magistratures : post id tempus praestiti omnibus dignitate, potestatis autem nihilo amplius habui quam qui fuerunt mihi quoque in magistratu collegae ». 
Voilà la façon en quelque sorte officielle dont Auguste définit le nouveau régime organisé en l'an 27 : c'est d'une part la suppression des pouvoirs extraordinaires qui caractérisent le triumvirat, la liberté rendue au peuple, la légitimité remise dans l'État : 
restituta res publica, dit une inscription; libertatis populi Romani vindex, porte une médaille; redditaque est omnis populo provincia nostro, dit Ovide (Fastes, I, 589) ;
C'est d'autre part, l'octroi à Octave d'un titre nouveau, celui de Augustus , qui le constitue le premier en dignité de tous les citoyens, mais sans lui donner aucun pouvoir spécial, aucune autorité déterminée; c'est, enfin, la collation régulière et normale au même Octave des différentes magistratures, sans que, dans l'exercice d'aucune de ces magistratures, le prince ait le moins du monde une autorité supérieure à celle des titulaires d'autrefois, ou de ses collègues actuels. En somme, d'après Auguste, il n'y aurait eu, en l'an 27, rien de changé dans l'ancienne Constitution : rien qu'un titre de plus.

Cela est un peu la légende officielle du régime impérial, telle qu'Auguste voulait qu'elle se répandit, par l'intermédiaire de son testament, de ses médailles, de ses dédicaces et de ses poètes officiels. En réalité, il y a eu bien autre chose qu'un titre de plus, qu'un simple honneur nouveau. Il y a eu, dans cette année 27, une série de mesures, officielles ou non, destinées à organiser complètement un système de gouvernement, qui, de quelque nom qu'on l'appelle aujourd'hui ou qu'on l'appela jadis, est bien un système monarchique. Ce système a été peut-être constitué à l'aide d'une loi unique et spéciale, analogue à cette lex regia de imperio Vespasiani, qui conféra à Vespasien l'autorité impériale et dont nous possédons un fragment important : rien ne prouve l'existence d'une loi semblable pour Auguste, mais on peut y croire; Tacite nous dit que  le premier empereur « donna la constitution (dedit jura) grâce à laquelle nous jouissons d'un prince et de la paix », et cette expression de jura suppose bien ou une seule loi ou un ensemble de décrets. 
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Auguste Couronné.
Auguste Couronné.
(buste de marbre.)

Les trois piliers de l'autorité

Quoi qu'il en soit et quelle qu'ait été la manière dont les pouvoirs sont arrivés à Auguste, il est certain que cette année 27, qui, officiellement, vit la restauration de l'État traditionnel, vit, en fait l'organisation de la monarchie et la concentration aux mains d'un seul homme de l'autorité suprême, - souveraineté qui se manifeste sous trois formes : autorité militaire, autorité civile, autorité religieuse.

L'autorité militaire.
L'autorité militaire, Auguste l'exerce en vertu du titre d'imperator, qui lui fut conféré d'abord pour dix ans (27-18), puis pour cinq ans (17-13), une troisième fois pour cinq ans encore (12-8), une quatrième pour dix ans (8 av. J.-C. - 2 ap. J.-C.), une cinquième pour dix ans (3-12}, une, dernière pour dix ans encore (13 et s.). Il semblait donc que cette autorité ne dût être que temporaire. Mais en fait comme en droit, il était bien entendu qu'on la confiait à Auguste pour toute la durée de sa vie et ces prolongations n'avaient que la valeur et la portée de simples formalités, - à un tel point que l'on pouvait justement appeler Auguste imperator perpetuus.

Le titre d'imperator donné à Auguste n'a plus du tout le sens que lui assignait l'ancien usage. Autrefois, imperator était un titre purement honorifique, dont on saluait sur le champ de bataille le général victorieux. Dans la nouvelle organisation, imperator prend son sens étymologique, en quelque sorte archaïque (peut-être même le sens qu'il avait dans ce vieux droit public de Rome, qu'affectionnait à un si haut point l'empereur Auguste). Imperator, c'est celui qui possède l'imperium dans sa plénitude, c. -à-d. l'absolue, puissance militaire. En cette qualité, Auguste est le général en chef des armées romaines, le gouverneur de toutes les provinces de l'empire, le représentant du peuple romain dans les relations internationales la guerre, la paix, les levées, la nomination des officiers, la juridiction sur les soldats, la construction des forteresses, l'établissement de nouvelles provinces, le droit de frapper monnaie, d'établir des impôts, de surveiller l'administration municipale des villes de la province, voilà tout ce que conférait ce titre d'imperator, - au moins du jour où on fit sortir, pour ainsi dire, de cette expression tout ce qu'elle pouvait renfermer de droits et de privilèges. Cela explique pourquoi on se servait d'ordinaire des expressions d'imperator et d'imperium pour désigner le nouveau souverain et son autorité, pourquoi les Grecs traduisaient volontiers le mot d'imperator pour celui d' « autocrate », autokratws et pourquoi il a donné naissance aux noms dont nous désignons nous-mêmes le régime imaginé par Auguste, « empire » et « empereur ».

L'autorité civile.
L'autorité civile, Auguste ne sut pas dès le premier jour de quelle manière, en vertu de quel titre il pourrait l'exercer dans sa plénitude. Il y eut un moment d'hésitation dans sa conduite et d'incertitude dans sa politique. En l'an 27, il songea à faire du pouvoir consulaire l'instrument de sa souveraineté sur les citoyens : le consulat étant la plus ancienne magistrature de la République, celle qui faisait d'un citoyen le maître, magister, de tous les autres, semblait se prêter à merveille aux plans de réorganisation constitutionnelle du nouveau souverain. Pendant quatre ans, de 27 à juin 23, Auguste fut consul sans interruption. Ce consulat exercé alors par Auguste, ainsi que l'a remarqué Mommsen (Staatsrecht, II, p. 835), n'est pas absolument le consulat des derniers temps de la République, mais en partie le consulat primitif, tel qu'il fut créé après l'expulsion des rois Auguste pouvait à son gré l'abdiquer après une année, ou le continuer l'année suivante, tout comme, semble-t-il, les premiers préteurs. Il semble, en outre, qu'il ait rendu au consul, en sa personne, toutes les attributions qui lui avaient été enlevées dans le cours des révolutions, et qu'Auguste, en cette qualité, ait été, comme les premiers magistrats de la République primitive, juge et administrateur, c. -à-d. ait eu les attributions qu'on enleva autrefois au consulat pour les donner à des préteurs et à des censeurs, - Ce régime ne dura pas. Auguste, en juin 23, déposa le consulat et renonça à en faire le mode de son autorité civile, « vraisemblablement parce que le consulat n'allait pas sans annuité et sans collégialité, principes incompatibles avec le pouvoir impérial » (Mommsen). Depuis, si Auguste a été consul, ce n'est qu'au même titre que les autres citoyens. 

Alors, renonçant au consulat, il songea, pour établir son autorité civile, à l'autre grande fonction de la Rome républicaine, à celle qui, depuis cinq siècles, s'était posée comme l'ennemie naturelle du consulat, le tribunat. En juin ou juillet 23 ( Mommsen, Il, p. 773, n° 4), Auguste prit la puissance tribunicienne, potestas tribunicia, qu'il garda durant toute sa vie. Cette puissance convenait mieux que le consulat à ses projets de souveraineté : elle lui donnait l'inviolabilité (sacrosancta potestas), le droit d'intercession (veto) contre les décrets de tous les magistrats et les décisions du Sénat, le droit de convoquer les assemblées du peuple, le droit de coercition sur les citoyens : elle fait de lui le premier des citoyens; c'est en qualité de détenteur de la puissance tribunicienne qu'Auguste sera désormais appelé princeps par les citoyens (comme il est appelé imperator par les soldats) et que son régime, considéré au point de vue civil, se nomme le principat (principatus). Et cette puissance est d'autant plus grande qu'Auguste la possède sans être tribun, qu'il n'est pas le collègue des autres tribuns, mais leur supérieur, que rien ne limite l'exercice de cette autorité, qu'il en détient pour ainsi dire la force, la vertu et l'essence. Désormais, elle sera l'instrument de son absolutisme civil, ce qui fera dire à Tacite (Annales, III, 56) :

« C'est le titre qu'avait attaché au rang suprême la politique d'Auguste qui, sans prendre le nom de roi ni de dictateur, en voulait un cependant par lequel il dominât tous les autres pouvoirs. »
Ce qui explique encore pourquoi un écrivain du IIIe siècle a écrit que le pouvoir tribunicien est l'essence du pouvoir royal : 
« Maxima pars regalis imperii est.» (Hist. aug., vita Taciti, I).
L'autorité religieuse.
L'autorité religieuse, c.-à-d. la présidence des collèges, la surveillance des cérémonies du culte, la garde des lois divines (La Religion romaine), Auguste la prit en l'an 12 avant notre ère, lorsque, Lépide étant mort, il reçut le souverain pontificat (pontifex maximus). Cette autorité, jointe au titre d'Augustus, fait de l'empereur à la fois le chef du culte, et l'objet principal du culte officiel. 

Pater Patriae

Pour compléter encore son autorité et ses privilèges, Auguste ajouta, de temps à autre, à son imperium, à sa puissance tribunicienne, à son pontificat, d'autres dignités et d'autres charges, comme s'il voulait bien montrer qu'il pouvait être tout dans l'État, et cumuler tous les titres et toutes les fonctions, ainsi qu'il cumulait toute l'autorité. En 22, il reçoit la cura annonae, c. -à-d. le soin de l'approvisionnement de la ville de Rome; il a été censeur en 28, en 8 avant notre ère, et l'an 14 apr. J.-C.; en l'an 27 il était consul pour la 11e fois (1er consulat en 43, 2e en 23, 3e -11e, de 31 à 23); en 5 et en 2 avant notre ère, il fut consul une 12e et une 13e fois. Cette dernière année, 2 av. J.-C, il reçut du peuple romain et du Sénat le titre de pater patriae, « père de la patrie », qui faisait de lui, pour ainsi dire, le second fondateur de Rome. L'inscription suivante, gravée entre l'an 7 et l'an 8 de notre ère, nous donne les titres complets que portait alors l'empereur Auguste et nous montre de quelle manière on les plaçait dans l'usage officiel (Wilmanns, n° 880) :

IMP-CAESARI
DIVI-F-AVGVSTO
PONTIFIC-MAXIMO
PATRI PATRIAE-AVG XV-VIR-S-F-VII-VIR-EPVLON
COS-XIIl-IMP-XVII-TRIBVNIC-POTEST-XXX

« A l'empereur César Auguste, fils du divin (Jules César), pontife souverain, père de la patrie, augure (il a été augure avant 37), quindécimvir des sacrifices (il l'a été entre 37 et 34), septemvir épulon (avant 36), consul pour la 13e fois, imperator pour la 17e, pourvu de la puissance tribunicienne pour la 30e fois ».

Si l'on ajoute à tous ces titres et à tous ces pouvoirs la puissance vague, confuse et cependant considérable qui provenait de la concentration sur une seule tête de toutes les autorités, on peut dire qu'Auguste était un monarque aussi absolu que possible, et que le régime qu'il a fondé doit être considéré comme une monarchie, comme une autocratie, une monarchie faite de pièces et de morceaux, si l'on veut, mais aussi complète, aussi nette, aussi entière que la royauté des Perses ou des Macédoniens. C'est ainsi que l'ont jugée les écrivains du second et du premier siècle et les contemporains d'Auguste mêmes.
« Quand il eut gagné les soldats par ses largesses, dit Tacite, la multitude par l'abondance des vivres, par les douceurs du repos, on le vit s'élever insensiblement et attirer à lui l'autorité du Sénat, des magistrats, des lois (Annales, 1, 2) »
Ce qui ajoutait encore au caractère monarchique de la constitution d'Auguste, c'est que, dès l'origine, le pouvoir impérial se posa comme héréditaire. Déjà, Auguste lui-même n'avait dû ses destinées qu'à sa qualité de fils adoptif de Jules César, c. -à-d. de fils de dieu, divi filius. Une famille dont l'ancêtre avait été mis au rang des divinités ne devait-elle pas aspirer à l'honneur de commander éternellement au monde? On en jugea ainsi et Auguste put, sans trop de difficulté, demander à perpétuer dans sa famille l'autorité monarchique. En 20 et 17 avant notre ère, Julia, fille d'Auguste, et femme de Marcus Agrippa (qu'elle avait épousé en 21), donna naissance à deux fils, Gaïus et Lucius. Auguste les adopta :
« même avant d'avoir quitté la robe de l'enfant, ils furent nommés princes de la jeunesse et désignés consuls » ;
Leur nom et leurs figures apparaissent sur les monnaies impériales. En l'an 1 avant notre ère, Gaïus reçut l'imperium; l'année suivante, le consulat; mais brusquement les deux frères moururent, Lucius le 2 août 1, Gaïus, le 21 février 3. Alors, pour perpétuer le pouvoir dans sa famille, Auguste songea à Tibère, le fils de sa femme Livie, le nouveau mari de sa propre fille Julie (qu'il avait épousée en 11, Agrippa étant mort en 12). Le 27 juin 3, cinq mois seulement après la mort de Gaïus, Tibère fut adopté par Auguste et associé au gouvernement monarchique avec le titre d'imperator et la puissance tribunicienne.
 « Alors celui-ci, dit Tacite, fut le centre où tout vint aboutir : il est adopté, associé à l'autorité suprême et à la puissance tribunicienne, montré avec affectation à toutes les armées ». 
Dés lors, le principe d'hérédité et de transmission du pouvoir dans la famille du fondateur était admis et accepté, et la monarchie héréditaire, telle que l'avait conçue Auguste, était fondée. (Camille Jullian).

Le siècle d'Auguste

On donne le nom de siècle d'Auguste à la plus belle période de la littérature latine, parce que c'est en ce temps qu'elle atteignit sa perfection, surtout dans les genres poétiques : avant, la prose avait été fixée et perfectionnés par les ouvrages de César et de Cicéron. Toutefois, la période littéraire appelée siècle d'Auguste s'étend de la mort de Sylla (78 ans av. J.-C.) à celle d'Auguste (14 ans ap. J.-C.).

Les écrivains les plus renommés en sont, parmi les prosateurs : 

Q. Hortensius, César, Cicéron, Salluste, Cornélius Népos, Tite-Live, Trogue-Pompée, Varron, Hirtius, Messala Corvinus, Licinius Calvus, Vitruve, Hygin;
Parmi les poètes : 
Lucrèce, Catulle, Virgile, Horace, Tibulle, Ovide, Properce,Manilius, Cornélius Gallus, Cornélius Sévérus, Cn. Mattius, Décimus Labérius, Publius Syrus, Varius, Asinius Pollion, Varron d'Atax, Pedo Albinovanus, Aul. Sabinus, Emilius Macer.
Cette époque fut également féconde en jurisconsultes, dont les plus distingués sont :
Antistius Labéon, Atéius Capiton, Caius Trébatius, AIfénus Varus.
On y remarque aussi le rhéteur Rutilius Lupus, les grammairiens Nigidius, Verrius Flaccus, Gniphon, auxquels il faut joindre Cicéron comme auteur d'excellents traités de rhétorique, César comme auteur du livre sur l'analogie, et Varron pour son livre sur la langue latine. Auguste et Agrippa avaient laissé des Mémoires qui sont perdus, et qui leur avaient mérité un rang parmi les écrivains de leur siècle.

Quant aux beaux-arts et aux sciences, les Grecs seuls les cultivaient alors. La littérature grecque n'est pas dépourvue d'éclat pendant cette brillante période latine; en effet, alors florissaient Posidonius et Géminus de Rhodes, l'artiste-écrivain Pasitèle, les grammairiens Denys le Thrace et Didyme, Denys d'Halicarnasse, Diodore de Sicile, Nicolas de Damas, Dioscoride, et le géographe Strabon, le plus distingué de tous.

L'influence grecque est d'ailleurs manifeste dans la plupart des oeuvres les plus brillantes du siècle d'Auguste; on y découvre partout les traces de l'étude approfondie des grands poètes épiques et dramatiques, des historiens et des orateurs; celles de la lecture, très populaire alors, des poètes de la période alexandrine; celles enfin de l'enseignement, très vanté par les plus illustres Romains, des maîtres de rhétorique et de philosophie qui professaient à Apollonie, à Athènes, à Rhodes, à Antioche, à Alexandrie, à Marseille. (P.).

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