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D'Artagnan

Charles de Baatz (ou de Batz) de Castelmore, comte d'Artaignan (ensuite d'Artagnan) est un mousquetaire, né vers 1611, et mort à Maastricht (Brabant) en 1673. Il est surtout connu pour avoir inspirer la figure du populaire héros d'Alexandre Dumas. L'auteur des Trois Mousquetaires a pris, en effet, ce personnage  historique, sinon de premier plan  du moins assez connu de son temps, l'a lancé dans mille aventures dont les unes sont tout à fait imaginaires, les autres bien réelles, quelques-unes, l'un et l'autre parce que le simple comparse y est devenu le protagoniste ou le deus ex machina.
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D'Artagnan.
Charles de Batz, comte d'Artagnan.

Pour un bref aperçu de la biographie du vrai d'Artagnan, on peut se tourner  vers le tome VI, p. 418 de sa Chronologie historique militaire (Paris, in-4°, M.DCCL) de Pinard, qui consacre un article à cet officier, qu'il nomme Charles de Baats-Castelmore, comte d'Artaignan : 

"Cadet au régiment des gardes françaises; servit au siège d'Arras en 1640 [...]. Entré aux mousquetaires à la fin de 1644; gentilhomme du cardinal Mazarin en 1646; lieutenant aux gardes françaises, en 1649; capitaine au régiment des gardes, le 14 février 1650; sous-lieutenant des mousquetaires, le 26 mai 1658; se démit de sa compagnie des gardes françaises en mars 1661; eut un brevet pour tenir rang de lieutenant et commander Ia compagnie des mouquetaires, en l'absence du duc de Nevers, qui ne vouloit point s'en mêler; capitaine-lieutenant de cette compagnie, le 15 janvier 1667; brigadier de cavalerie, le 5 mai de la même année; maréchal de camp par brevet du 15 avril 1672. Tué le 5 juin 1673 au siège de Maëstricht. " 
Les sources.
En fait, entre le d'Artagnan réel et le héros de roman, - et quel héros, puisqu'après les Trois Mousquetaires on le retrouve encore dans deux autres romans : Vingt ans après et  le Vicomte de Bragelonne! -  s'en interpose un troisième : le d'Artagnan qui apparaît dans ses Mémoires, ou plutôt ses prétendues Mémoires, publiés en trois volumes par un contemporain, et qui tiennent à la fois de l'histoire et du roman. Il s'agit de l'ouvrage publié en 1700-1701 par le pamphlétaire et historien Gatien Courtilz de Sandras.

Les Mémoires de M. d'Artagnan, capitaine-lieutenant de la 1re compagnie des mousquetaires du Roi, contenant quantité de choses particulières et secrètes qui se sont passées sous le règne de Louis le Grand sont un des nombreux ouvrages de cet écrivain qui mêla toujours le roman à l'histoire, de telle sorte qu'il est difficile de faire la part de l'un et de l'autre, dans tout ce qu'il a laissé d'historique. L'ouvrage, alertement écrit, avec légèreté et bonne humeur dans un style cavalier qui convient tout à fait au sujet, plein d'anecdotes, est d'une lecture fort agréable, il eut une grande vogue lors de son apparition comme tous les écrits ou presque de Courtilz de Sandras. II eut plusieurs rééditions. Mais quelle confiance peut-il inspirer? Assurément tout n'y est pas d'invention, l'histoire y coudoie la fiction, mais souvent elle se fausse dans ce voisinage.

Un érudit, Eugène d'Auriac, a signalé quelques-unes des erreurs de Courtilz de Sandras, dans son livre intitulé D'Artagnan (2 vol. in-8e, 1847). Ce livre contient l'histoire du capitaine-lieutenant des mousquetaires, faite sur des mémoires qu'Eugène d'Auriac a crus plus dignes de foi que ceux de Courtilz de Sandras, dont cependant il n'a pas toujours dédaigné le secours. D'Auriac ne s'est pas défendu de la forme romanesque, et peut-être par là a-t-il affaibli un peu l'autorité de ses assertions. Son travail reste cependant une biographie du comte d'Artagnan que l'on peut encore consulter avec intérêt, même s'il convient d'en compléter la lecture par celles, par exemple, de D'Artagnan, capitaine des mousquetaires du roi, de Charles Samaran (1912), et de Troisvilles, d'Artagnan et les Trois mousquetaires, de Jean de Jaurgain (1910)..

Les origines.
Le véritable d'Artagnan qui s'appelle en réalité, comme on l'a dit, Charles de Batz de Castelmore est bien, ainsi que nous le représentent Alexandre Dumas et son co-auteur Auguste Maquet, un aventureux cadet de Gascogne, plein d'audace, d'ambition et de bravoure. Montluc avait dit déjà dans ces Mémoires que nulle nation n'était aussi guerrière que celle des Gascons. Les gens d'outre-Garonne furent dignes, au XVIIe siècle, de la réputation qu'ils avaient acquise au siècle précédent Au XVIIe siècle, comme au XVI, ils étaient nombreux dans l'entourage du roi et avides de gloire, d'honneurs et de profit. De son côté, Courtilz de Sandras fait dire à M. d'Artagnan :

" Je suis né gentilhomme, de bonne maison [...]. Le nom de d'Artagnan était déjà connu quand je vins au monde "
Il ne dit pas qui fut le père de Charles et comment il était d'Artagnan.

La Généalogie de la maison Montesquiou-Fezenzac, donnée par les continuateurs du P. Anselme, et celle qui fut publiée in-4°, en 1784, sur cette maison de Gascogne dont une branche prenait le nom d'Artagnan, peuvent aider à fixer sur ce point l'histoire du capitaine-lieutenant des mousquetaires. 

On voit dans ces généalogies que Françoise de Montesquiou, fille de Jean de Montesquiou, seigneur d'Artagnan, épousa, par contrat du 6 février 1608, - elle n'était cependant encore que fiancée en mars, mais elle ne tarda pas d'être conduite à l'autel, - épousa, Bertrand de Baatz, seigneur de Castelmoron ou Castelmore, et que de cette union sortirent deux fils, dont le premier fut Paul de Baatz, qui mourut gouverneur de Navarreins, en 1702, âgé de plus de cent ans, dit la généalogie du P. Anselme, qui contient une faute d'impression évidente dans le millésime 1702, dont le Moreri a bien remarqué l'impossibilité et qu'il n'a pas osé réformer en lui substituant 1712; il a, dit seulement « mourut en 1702, dans un âge très avancé ». La fait est que Paul de Baatz mourut en 1712, à plus de cent ans. Le duc de Saint-Simon le dit nettement dans ses Mémoires. Donc Bertrand de Baatz eut de Françoise de Montesquiou, Paul et puis Charles de Baatz, qui prit le nom de d'Artagnan qui appartenait à sa mère, pour se distinguer de son père qu'on nommait le comte de Castelmore. Paul, au reste, fit de même, ce que ne paraissent pas avoir su les généalogistes cités plus haut, et qu'ignora aussi le duc de Saint-Simon. Un Extrait du Roole de la Compagnie des Mousquetaires à cheval servant à la garde ordinaire du Roy, pour le mois de May 1640, dans l'Extrait des officiers commensaux de la maison du Roy, de la Royne régente, etc. (Paris, in-fol., M. DC XLIV), montre parmi les mousquetaires - les premiers de la liste - un « Paul d'Artaignan ».

Or, le seul Paul de Baatz peut être ce Paul d'Artaignan, les généalogistes en font foi. Paul de Baatz prit donc aussi bien que son frère Charles le nom d'Artaignan; peut-être qu'à la mort de Bertrand de Baatz le quittèrent-ils pour prendre celui de Castelmore. Difficile de l'affirmer. Artaignan est une petite localité des Hautes-Pyrénées, dépendant de Vic-en-Bigorre; Castelmore était un petit fief situé non loin de Sauveterre-du-Béarn, aussi Gatien Courtilz eut-il raison quand il fit dire à son d'Artagnan : 

"Le mousquetaire que j'accostai s'appelait Porthos et étoit voisin de mon père de deux ou trois lieues. " 
Porthos était un des trois fils du châtelain d'Autevielle, et Autevielle, comme Athos, étaient des points géographiques voisins de Castelmore et de Sauveterre-en-Béarn. Il convient d'insiter sur ces détails, qui expliquent des choses restées obscures dans les Mémoires de M. d'Artagnan, où Courtilz de Sandras oublia de les éclaircir, et dont ne se sont pas soucié Alexandre Dumas et Auguste Maquet quand, partant du livre de Gatien de Courtilz, ils ont écrit la longue et piquante histoire des Trois mousquetaires, Athos, Porthos et Aramis, à laquelle est si intimement liée celle de Charles d'Artagnan, qu'ils n'ont pas su se nommer Charles, Courtilz ne l'ayant jamais nommé par ce nom de baptême.
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Athos, Porthos et Aramis

C'est, dit Courtilz, dans l'antichambre de M. de Tréville que d'Artagnan, fraîchement arrivé à Paris, lia connaissance avec les trois mousquetaires. Il fait ainsi raconter cet épisode par d'Artagnan :

" Dès le lendemain au matin, je m'en fus au lever de M. de Tréville, dont je trouvai l'antichambre pleine de mousquetaires. La plupart étaient de mon pays, ce que je compris à leur langage. Tout fier de me sentir en pays de connaissance, j'accostai le premier qui me tomba sous la main. La mousquetaire à qui je m'adressai se nommait Porthos [...]. Il avait deux frères dans la compagnie, dont l'un s'appelait Athos et l'autre Aramis."
Les trois mousquetaires ont trouvé des biographes généralement plus scrupuleux que Courtilz de Sandras. Leurs patientes recherches ont levé peu à peu une partie du voile qui enveloppa longtemps leurs personnalités
un peu falotes. C'étaient en vérité d'authentiques béarnais, pourvus de noms « à tuer chien », que les trois compagnons supposés de d'Artagnan (on sait qu'ils ont croisé sa route et même servi ensemble, mais on ignore à quel point ils ont été proches de lui).

• Du fameux Athos, que Dumas a fait vivre assez vieux contrairement à la vérité historique, sous le nom de comte de la Fère, on ne sait pas grand-chose. Il s'appelait Armand de Sillègue d'Athos d'Autevielle et appartenait comme Tréville, comme d'Artagnan peut-être, comme tant d'autres, à une famille de marchands enrichis qui avaient acheté des biens nobles. Athos est un petit village aux portes de Sauveterre-de-Béarn, sur la rive droite du gave d'Oloron. « Armand Athos d'Autubiele », (comme l'appelle le registre des décès de Saint-Sulpice), mousquetaire de la garde du roi, neveu à la mode de Bretagne du capitaine Tréville, mourut à Paris le 21 décembre 1643. Il n'y a pas à penser que ce soit des suites des blessures qu'il aurait reçues avec d'Artagnan à la Foire Saint-Germain, quand ils se défendaient contre les « braves » apostés peut-être par la vindicative Milady.

• Porthos, qui prend dans Dumas les titres de baron de Bracieux et de Pierrefonds, s'appelait en réalité Isaac de Portau. Son père avait été contrôleur des guerres de Béarn, et un autre de ses ascendants secrétaire du roi de Navarre. Né à Pau en 1617, il servait vers 1640 dans la compagnie des gardes du roi commandée par François de Guillon, seigneur des Essarts, beau-frère de Tréville. On l'y retrouve en 1642 à Perpignan et à Lyon. Vers 1643, il obtint
la casaque de mousquetaire. Puis on perd sa trace, et on ne sait ni ce qu'il devint par la suite ni quand il mourut. Dumas, usant de ses droits de romancier, a comblé avec son aisance habituelle cette regrettable lacune.

• Henri d'Aramitz - Aramis en littérature - ne fut, est-il besoin de le dire, ni chevalier d'Herblay, ni évêque de Vannes, ni duc d'Alaméda, ni général des Jésuites, mais plus simplement écuyer et abbé laïque d'Aramitz en la vallée pyrénéenne de Barétous. D'ancienne noblesse militaire du Béarn, il était fils de Charles d'Aramitz, maréchal des logis de la compagnie des mousquetaires. Il comptait parmi ses ancêtres un certain Jean, dit l'Abadot d'Aramitz, qui avait été un compagnon d'armes du comte de Foix, Gaston Phébus, et un certain Pierre, capitaine hugenot qui avait eu une part notable dans les guerres de religion, sous Jeanne d'Albret. Aramis entra en 1640, semble-t-il, dans la compagnie des mousquetaires, où il fut sous les ordres de son cousin germain Tréville. Y resta-t-il les quinze années au moins qu'il demeura au service du roi? On sait seulement que le 16 février 1650, il passa contrat de mariage en Béarn avec Jeanne de Béarn-Bonnasse, que le 22 avril 1654, sur le point de retourner à Paris, il fit son testament, et qu'il mourut, à une date qu'on ignore, laissant deux fils et deux filles. (Ch. Samaran).

D'Artagnan à Paris.
Dumas fait arriver à Paris le quatrième mousquetaire aux environs de 1628 et à cette date, il devait avoir au maximum seize ans, peut-être moins si l'on en croit les auteurs qui le font naître aux environs de 1612 ou 1615. Peut-être même faut-il reculer cette date jusqu'en 1620; l'arrivée à Paris doit se placer seulement aux environs de 1640.

Arrivé dans la capitale, d'Artagnan vint se loger rue du Gaillard-Bois (aujourd'hui rue Servandoni) non loin de l'hotel de M. de Tréville (ou de Trois-villes) capitaine des mousquetaires du roi, qui était un peu son parent, et auquel il était chaudement recommandé. 

D'Artagnan entra d'abord comme cadet volontaire aux gardes du roi, aux environs de 1640. Toutes les aventures qu'Alexandre Dumas et Auguste Maquet lui attribuent avant cette date sont sorties de leur imagination et l'on en trouve aucune trace dans son premier et déjà fantaisiste biographe. 
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Sur les traces éparses de d'Artagnan

On a trouvé dans des églises de Paris quelques traces éparses de d'Artagnan, qui permettent de grapiller quelques détails supplémentaires sur sa vie, et même de connaître son écriture. On apprends, par exemple, que « Charles d'Artagnan, Capitaine au régiment des gardes » fut parrain, avec madame de Besmaus, à Saint-Sulpice, le 3 mars 1658, d'une fille de Pierre de Lalaur, bourgeois de Paris. Il fut parrain, à Saint-Roch, le 8 septembre 1662, d'une fille de Louis du Laurens, capitaine dans le régiment de Piémont; il est dit dans l'acte :

« Lieutenant des mousquetaires du Roy et demeurant rue de la Grenoillière, paroisse Saint-Sulpice.» 
Ce domicile paraît avoir correspondu au 35 de l'actuel quai Voltaire, à l'angle de la rue du Bac, adresse où se trouve aujourd'hui une brasserie. Il vivait donc alors à proximité immédiate de sa caserne.

Le 15 octobre 1664, d'Artagnan tint sur les fonts, avec la célèbre Julie d'Augennes, Jules, fils de Lepidio Arnolfini; le baptistaire le nomme :

« Messire Charles de Castelmore d'Artagnan, sous-lieutenant des mousquetaires du Roy.»»
Cet acte sert à rectifier celui du 18 septembre 1662, où d'Artagnan est qualifié lieutenant des mousquetaires.

Le 15 octobre 1664, il signa : "artaignan", car il avait conservé l'ancienne orthographe de son nom, comme avait fait Philippe de Champaigne. Son écriture était grosse, lourde, un peu couchée de gauche à droite, très lisible d'ailleurs et meilleure que celle de beaucoup de gens de son temps. 

Le 8 janvier 1670, D'Artagnan tint à Saint-Sulpice Charlotte-Marie, fille d'un certain Cyprien Lafargue; l'acte le dit :

« Charles d'Artagnant (sic), escsuyer et Capitaine-lieutenant de la compagnie des mousquetaires du Roy. »
La main qui écrivit le baptistaire le compléta en signant : « Dartagnant (sic) » à la place du parrain, qui apparemment avait quitté trop vite la sacristie. 

Le 16 septembre 1670, Charles d'Artagnan tint à Saint-Sulpice 

« Charles-Joseph, né le 29 août précédent, fils d'Abraham-Joseph de Casenave, mousquetaire du Roy »;
il est dit cette fois :
« Charles de Castelmore, comte d'Artagnan, Capitaine-lieutenant de la première compagnie des mousquetaires. »
Le 9 avril 1671, il répondit devant l'Eglise d'un fils d'Adrien Malaisié, sieur de Saint-Léger, Maréchal des logis de la première compagnie des mousquetaires du Roy. Le baptistaire lui donna les mêmes noms et qualités que celui du 16 septembre 1670. Il signa comme d'habitude « artaignan », et comme toujours l'a initial minuscule :
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Signature de d'Artagnan.
Signature de D'Artagnan.

Une vie de soldat et d'espion.
D'Artagnan assista au siège et à la prise d'Arras puis prit part aux sièges de Collioure et de Perpignan. Peu après, nous raconte Courtilz, il fait la connaissance d'une grande dame anglaise exilée à Paris où elle a suivi Henriette d'Angleterre, chassée de son pays par la révolution. La belle, que Courtilz nomme Miledi, n'a pour d'Artagnan que mépris et daigne à peine s'apercevoir de son existence. Elle est amoureuse d'un gentilhomme de la cour, le chevalier de Vardes; qu'à cela ne tienne, d'Artagnan se fait passer pour lui et obtient ses faveurs. Mais lorsque la déplorable supercherie est dévoilée la noble dame lui voue, à juste titre, une haine mortelle. C'est sur ce thème déjà quelque peu baroque qu'a brodé Dumas pour développer la figure de Milady.

A son retour de la campagne de Flandre, d'Artagnan devient enfin mousquetaire et, peu après, entre en rapports avec Mazarin. A partir de ce moment et pendant une vingtaine d'années, notre gentilhomme, à en croire ce que lui fait dire Courtilz, a joué le rôle d'agent secret du premier ministre.
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Les Mousquetaires

Le terme de mousquetaire s'est appliqué à tout soldat armé du mousquet. Mais ce même nom a été donné plus spécialement à deux compagnies de cavalerie qui faisaient partie de la maison du roi. 

La première compagnie (Mousquetaires gris ou Grands mousquetaires) fut instituée par Louis XIII (1622) et entièrement formée de l'ancienne compagnie des gardes du corps du roi, surnommés les Carabins. C'est celle où servit Charles d'Artagnan; elle avait ses quartiers au n°15 de la rue du Bac, à Paris, à l'endroit où l'on construira par la suite le marché Boulainvilliers, disparu aujourd'hui.

La deuxième (Mousquetaires noirs), fut créée par Louis XIV (1660). Elle avait son hôtel au faubourg Saint-Antoine.

C'est d'après la robe des chevaux, et non d'après l'uniforme (très brillant au contraire), que les deux compagnies étaient distinguées. Leurs uniformes, initialement différents, furent ensuite identiques (habit écarlate et soubreveste en drap bleu, ornée d'une croix d'argent) et l'on désigna ordinairement les mousquetaires des deux compagnies sous le nom de la Maison rouge.

Supprimées en 1775, les compagnies de Mousquetaires reparurent de 1789 à 1791, puis en 1814, et furent abolies définitivement en 1815. Le roi était capitaine des deux compagnies: les deux « capitaines-lieutenants » étaient toujours des lieutenants généraux. L'on n'y admettait que des nobles. (H. Monin).

La vie d'un agent secret est nécessairement fertile en étonnantes péripéties. Une aubaine pour Courtilz de Sandras. Ainsi la vie de d'Artagnan apparaît-elle, à travers ses pseudo-mémoires, comme un véritable roman picaresque.

Lorsque l'arrestation de Broussel, suivant les  édits fiscaux eut déchaîné la première Fronde parisienne, le cardinal envoie d'Artagnan dans le camp des insurgés. Le mousquetaire réussit  ainsi à éventer un complot contre le cardinal et à sauver la vie de son maître. Il avait fait semblant pour cela, de partager la haine que professait uns des insurgés contre Mazarin et de prendre part au complot formé contre lui. Ayant ainsi gagné sa confiance, il l'avait fait arrêter. 
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D'Artagnan et une dame.
La dure vie d'un agent secret.

Notre mousquetaire s'attribue également, par la plume de Courtilz, une mission en Angleterre où il fut reçu par Cromwell. Si, comme il paraît possible, il est vraiment allé en Angleterre, ce fut bien sans doute comme le lui fait dire Courtilz, pour porter à Cromwell des propositions secrètes de la part du cardinal qui, sans doute, n'osait pas  engager des négociations officielles avec le régicide. Quoi qu'il en soit c'est de cet épisode que Dumas a tiré Vingt ans après. Mais dans le récit de Courtilz, Milady ne reparut plus.

Après ce voyage, Courtilz place deux autres missions, dont l'histoire n'a pas confirmé la réalité - l'une à Bordeaux : l'autre encore Outre-Manche. Toutes deux comptent au nombre des épisodes les plus amusants des Mémoires de d'Artagnan

La première mission n'avait de chances de réussir que si nul parmi les Ormistes - ainsi appelait-on les Frondeurs de Bordeaux - ne pouvait soupçonner qu'ils avaient parmi eux un émissaire du cardinal. Mazarin décida de le faire ermite. Encore que la barbe nécessaire au rôle déplût fort à sa maîtresse, il se laissa faire, non sans d'ailleurs rechigner et partit pour Bordeaux dans l'appareil d'une moine mendiant. Arrivé au camp des rebelles, il fut bien reçu et l'un de leurs chefs, un ancien boucher, voulut absolument l'enrôler parmi ses soldats. Le faux ermite récusa. Pourtant comme il voulait gagner ses bonnes grâces, il consentit à lui donner quelques leçons de stratégie. 

Ayant ainsi ses entrées partout, il en put profiter pour s'introduite auprès du secrétaire du prince de Conti et le charger de transmettre à son maître les ouvertures de Mazarin. Il crut d'abord impossible de  rallier le prince. Celui-ci avait heureusement une maîtresse. Ce ne fut qu'un jeu pour d'Artagnan, handicapé cependant par son froc et sa barbe, d'entrer dans ses faveurs et d'y être aussi bien traité que le prince de Conti. Alors il ne perdit pas son temps et Ia persuada qu'il était avantageux pour elle de réconcilier le prince et le cardinal.
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Mazarin et d'Artagnan.
Au service secret de Son Eminence...
Mazarin et d'Artagnan.

A peine est-il revenu de Bordeaux qu'il est envoyé en Angleterre où, s'il faut en croire l'incertain Courtilz de Sandras, le cardinal poursuivait une politique secrète : le mariage de sa nièce avec Charles II ou avec Richard Cromwell, cette alliance princière étant un précédent qui rendait possible le mariage de Louis XIV avec Marie Mancini. Mais pour décider entre le fils du lord protecteur et le fils du roi détrôné, il avait besoin de savoir si le pouvoir du premier était solidement assis, et si les Anglais l'aimaient ou le haïssaient. D'Artagnan était donc en somme chargé de faire une enquête sur l'état d'esprit politique des Anglais.

Aussitôt arrivé à Londres, d'Artagnan fut conquis par la surprenante beauté d'une dame anglaise, qui n'était autre que la maîtresse de l'ambassadeur de France. Il n'hésita pas, pour se rapprocher de sa conquête, à se faire embaucher chez elle comme cuisinier. A en croire Courtilz, notre mousquetaire fit grandement apprécier à Londres la cuisine française, et la maîtresse de l'ambassadeur trouva à son soupirant de grands attraits.

Mais l'ambassadeur qui avait sa police, s'aperçut vite qu'il avait affaire à un faux cuisinier bien qu'il en eût lui aussi apprécié l'art. Croyant qu'il venait pour attenter à sa vie, il le fit saisir, embarquer pour la France sans désemparer et diriger sur la Bastille.

Il eût risqué d'y jouer le rôle d'un de ces oubliés qui, sans que personne sût finalement pourquoi, séjournaient dans les prisons d'Etat de l'Ancien régime. Heureusement pour lui, Mazarin s'inquiéta du sort de son agent secret mystérieusement escamoté; il s'informa donc, découvrit la retraite forcée de d'Artagnan, et le fit enfin élargir.

Tout cela est pure invention, Charles Samaran l'a parfaitement montré. Il a montré également que Courtilz de Sandras attribue à d'Artagnan (Charles de Batz de Castelmore), des missions qui furent en réalité remplies l'une par Isaac de Batz de Castelmore, sans doute son parent, l'autre par un père d'Artagnan, jésuite de son état... Mais n'est-il pas possible que notre mousquetaire agent secret du cardinal ne se soit déguisé en père jésuite? et dans ce cas cette transformation imprévue n'a-t-elle pas suggéré à Courtilz l'épisode du faux ermite?
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D'Artagnan et les Trois mousquetaires.
D'Artagnan et les Trois mouquetaires.

L'arrestation de Fouquet.
D'Artagnan fut bien nommé en 1657 sous-lieutenant aux mousquetaires du roi; à partir de cette date ses mémoires apocryphes semblent correspondre à peu près à la réalité. Sa charge faisait de lui un important personnage. Chacun le recherchait. Les ministres eux-mêmes le comblaient d'attentions. Fouquet n'était pas le moins empressé.

D'Artagnan avait été un des hommes-liges de Mazarin en même temps que de Colbert, le rival de Fouquet; Colbert le connaissait bien et, tout en le qualifiant de « créature de Mazarin », le savait homme d'expédition et fort dévoué au roi. Quand Louis XlV ne se serait pas souvenu que Guitaut, le capitaine des gardes de la reine, sa mère, avait mis en état d'arrestation les princes, le 8 janvier 1650, Colbert n'aurait pas manqué de désigner pour une affaire d'importance comme celle de la prise de Fouquet, un serviteur fidèle, un officier ferme autant que l'était d'Artagnan, le sous-lieutenant alors de cette compagnie de mousquetaires, dont il avait sut conquérir l'affection depuis deux ans qu'il vivait avec elle. 

Et c'est donc bien à d'Artagnan que Colbert confia tout naturellement la mission d'arrêter le surintendant. Le mousquetaire, accompagné de quelques hommes (parmi lesquels ne figurent pas les Trois qu'on aurait attendu...) se saisit donc du surintendant comme il sortait du château de Nantes où se tenait le conseil royal. Fouquet était entouré d'une foule de partisans. Aussitôt, note finement le mousquetaire sous la plume de Courtilz de Sandras, cette foule de courtisans disparut, sans qu'il en restât un seul, pour le plaindre ou le consoler de sa disgrâce. D'Artagnan conduisit son prisonnier à Angers, puis au donjon de Vincennes, enfin à la Bastille. Il y resta trois ans, et les prétendues mémoires nous donnent de forts intéressants détails sur les occupations de Fouquet dans sa prison et les stratagèmes dont se servaient ses amis dont était Mme de Sévigné pour communiquer avec lui.

Le mariage de d'Artagnan.
Un peu avant l'arrestation de Fouquet en 1659, - on ne sait ni où, ni quand exactement - d'Artagnan s'était marié. Le P. Anselme dit qu'il épousa  une certaine « Charlotte de Henin-Liétard »; Moreri lui donne pour femme « Charlotte des Roches ». Il apparaît que le vrai nom de son épouse était en réalité Anne-Charlotte de Chanlecy (ni des Roches, ni de Henin-Liétard). On ne sait de quelle province elle était (peut-être du Charolais); il est probable qu'elle appartenait à la famille d'Anne de Chanlecy qui épousa, le 24 novembre 1639 , Claude de Lévis, baron de Lagny et de Vougy. Celle-ci était fille de Ponthus de ChanIecy, baron de Pluvant (Le P. Anselme, Généalogie de Lévis, t. IV, p. 42).

A en croire son pseudo-mémorialiste, d'Artagnan aurait pris cet acte avec une extrême légéreté, qui était d'ailleurs coutumière chez les grands seigneurs du temps.

« J'étais marié, comme les autres; si c'est une folie de se marier (pour mon compte, j'estime que c'en est une, et même une très grande), au moins est-il permis de s'y risquer une fois. J'avais épousé une femme extrêmement jalouse, et qui me désolait à un point que, si j'allais quelque part, elle mettait mille espions à mes trousses. C'était assez mal passer son temps, et pour elle et pour moi. »
Cette réflexion est parfaitement justifiée si l'on considère le d'Artagnan de Courtilz de Sandras. A en croire celui-ci, il aurait été un véritable don Juan, dans la vie duquel les aventures amoureuses auraient tenu autant de place au moins que les aventures politiques et guerrières, et qui aurait souvent mêlé les unes et les autres. En fut-il vraiment ainsi? Peut-être sommes-nous déjà là dans le roman. Au moins sait-on que son épouse finit par s'éloigner de lui, et obtint le régime de la séparation des biens pour leur mariage. Avait-il des dettes dès cette époque? on sait qu'il en laissera après sa mort.

D'Artagnan, capitaine-lieutenant des mousquetaires.
Lieutenant de la première compagnie des mousquetaires (1665) il en devient bientôt (1667) le capitaine-lieutenant. C'était là, disait-on, la plus belle charge du royaume : d'Artagnan la remplit à merveille. Sa compagnie fut bientôt une compagnie modèle aussi brillante que bien exercée et le roi à plusieurs reprises l'en félicita.

C'est à titre de capitaine des mousquetaires que d'Artagnan prit part avec le grade de brigadier de cavalerie, à la campagne de 1667 dans les Flandres. II fit partie de l'armée de Turenne, qui assiégea et prit Lille, et fut nommé gouverneur de cette place Il s'y trouvait encore en 1672 lorsque éclata la guerre de Hollande.

Sur cet épisode de sa carrière, ses prétendues Mémoires s'étendent fort peu. Il eut pourtant dans la capitale de la Flandre française un rôde important. Cest lui qui fit exécuter sur les plans de Vauban les nouvelles fortifications de la pIace.

Il restait d'ailleurs toujours l'homme de confiance du roi. Il avait arrêté Fouquet. il arrêta Lauzun lorsque les prétentions du séducteur professionnel à la main de La Grande Mademoiselle lui eurent attiré la colère du roi. Il le conduisit à Pignerol et gagna, ce faisant, sa sympathie.

La mort de d'Artagnan.
Charles d'Artagnan mourut en 1673, à l'attaque de la demi-lune de Maastricht

« Au commencement de l'été 1673, écrit Courtilz, Sa majesté se vit en état de poursuivre ses conquêtes contre les Hollandais et de faire repentir les Espagnols de s'être déclarés contre lui. Il augmenta ses troupes de plusieurs régiments nouveaux, tant cavalerie qu'infanterie. Il fit travailler ses équipages pour entrer en campagne, dès que la saison le permettrait. Je fus râvi de l'y suivre cette année-là, puisque le maréchal d'Humières m'avait mis en état, en venant reprendre sa place, de faire ma charge comme auparavant. Le roi partit de Paris le 1er mai, et nous marchâmes à Maastricht, qu'il avait résolu d'attaquer.

Ici finissent les présents mémoires de M. d'Artagnan qui fut tué à ce siège qui ne dura que treize jours de tranchée ouverte quoiqu'il eût une puissante garnison et un gouverneur dont la réputation était grande parmi les persones du métier. »

Ici encore, le pseudo-mémorialiste est d'accord avec la vérité historique; d'Artagnan mourut même glorieusement, à la tête de sa compagnie qui, entraînée par son éclatante bravoure avait emporté l'une des plus fortes redoutes de la place. On Ie trouva, en avant de l'ouvrage, tué raide, la gorge traversée par une balle de mousquet.

Dumas et Maquet, abusant un peu du privilège qu'ont les romanciers de modifier la biographie des hommes qui appartiennent à l'histoire, ont supposé (voyez la fin du Vicomte de Bragelonne) que d'Artagnan commandait un corps d'armée devant Maastricht et que, sur le champ de bataille, un peu avant l'action à laquelle il prit part, il reçut une lettre de Colbert, par laquelle le ministre lui annonçait que le roi venait de le nommer maréchal de France. Le roi n'avait pas besoin de le plume de Colbert pour faire connaître au capitaine de ses mousquetaires sa résolution au sujet d'une si grande récompense; Louis XIV commandait en personne devant Maastricht, et il aurait pu dire à M. d'Artagnan : « Monsieur, je vous fais maréchal »; mais il n'eut pas à le lui dire. D'Artagnan n'était pas encore lieutenant-général; il avait seulement le grade de maréchal des camps et armées du Roi.

Quincy, dans son Histoire militaire du règne de Louis le Grand (in-4°, 1726), raconte la mort de d'Artagnan (t. Ier, p. 352) ; il dit : 

« Pendant qu'on travaillait à la descente du fossé, le Roy commanda pour cette action ses mousquetaires, qu'il fit soutenir par un détachement de divers corps, le tout sous les ordres de M. de Montmouth, fils naturel du Roy d'Angleterre et lieutenant général de jour. M. d'Artagnan étoit à la tête : tout plia si fort devant lui qu'en moins d'une demi-heure il se vit maître de l'ouvrage. »
Mais les assiégés reprirent l'avantage par un effort extrême. 
« M. d'Artagnan y fut tué, ajoute Quincy, après avoir donné des marques d'un grand courage. »
La Gazette de France, dans un récit circonstancié du siège de Maastricht, s'exprime ainsi en ce qui touche l'attaque de la demi-lune :
« Le duc de Montmouth sortit de dessus la tranchée, l'épée à la main, suivi du sieur d'Artagnan à la tête des mousquetaires de la première compagnie [...]. On ne put s'empêcher de perdre beaucoup de nos braves, entre lesquels estoit le sieur d'Artagnan qui fut tué d'un coup de mousquet, de quoy Se Majesté témoigna estre sensiblement touchée pour sa valeur et la confiance qu'elle avoit en lui. »
Le Mercure galant, parlant de l'affaire du 25 juin 1673, à propos de la mort de Charles d'Artagnan, dit : 
« Quoique M. La Feuillade et M. d'Artagnan ne fussent pas de jour [le premier comme lieutenant général, le second comme maréchal de camp],  ils voulurent partager les dangers que couroit ce prince [le duc de Montmouth]. Ce fut dans cette occasion que M. d'Artagnan fut tué. »
Le rédacteur du Mercure ajoute que les balles pleuvaient à ce point sur les assaillants que plusieurs mousquetaires, accourus pour relever leur capitaine, tombèrent blessés ou morts à côté de lui. 

D'Artagnan inspira de nombreux panégyristes dont l'un l'honora de ce beau vers :

D'Artagnan et la gloire ont le même cercueil.
D'Artagnan, Mouquetaire.
D'Artagnan, l'éternel mousquetaire.

Les fils de d'Artagnan.
Charles d'Artagnan mourant laissait deux fils, tous les deux prénommés Louis; le roi avait montré trop de regrets du trépas d'un officier qu'il aimait beaucoup, pour ne pas donner des marques signalées de sa douleur à la veuve et aux enfants de son lieutenant dans le commandement de ses mousquetaires de la première compagnie; aussi voulut-il servir de parrain à l'aîné des enfants de Ch. d'Artagnan, quand la reine devait être sa marraine; aussi voulut-il que M. le Dauphin et mademoiselle de Montpensier tinssent sur les fonts de baptême le second des fils du maréchal de camp tombé à Maastricht. Les généalogistes ont connu cette circonstance honorable pour la mémoire de Charles de Baatz; dans les baptistaires faits en l'église paroissiale de Saint-Julien de Versailles, rédigés à cette occasion, on peut lire :

"Ce mesme jour et an que dessus (3e mars 1674), fut baptisé sous condition et par l'ordre du Roy, en la chapelle de son Louure (sic) à Versailles, en présence de nous, curé dudict lieu, soubzsigné, par Messire Benigne Bossuet, précepteur de Monsieur le Dauphin, euesque de Condom, Louis, fils de deffunct Messire Charles de Castelmore Dartagnan (sic) en son vivant lieutenant de la première compagnie des mousquetaires du Roy et de dame Anne Charlotte de Chanlecy, ses père et mère, qui eut pour parrain qui lui donna le nom, Louis Quatorze de Bourbon, Roy de France et de Navarre, et pour marraine Marie Terese d'autriche, Reine de France et de Navarre. [...] Ce jeudy cinquiesme auril audict an fut baptisé sous condition et par l'ordre du Roy,  en la chapelle de son Louvre audict Versailles, en présence de nous, curé dudict lieu, soubzsigné, par Messire Jacques Bénigne Bossuet, précepteur de Monsieur le Dauphin, evesque de Condom, Louis, fils de deffnuct Messire Charles de Castelmore Dartagnan, en son vinant lieutenant de la première compagnie des mousquetaires du Roy, et de dame Anne Charlotte de Chanlecy, ses père et mère, qui éut pour parrain qui luy donna le nom, Louis de Bourbon, Dauphin de France, et pour marraine Mademoiselle Marie-Louise de Bourbon, princesse de Dombes et de Montpensier, lesquelz tous ont signé : Louis, Anne-Marie-Louise d'Orléans, J. Bénigne, eu. de Condom, C. Langloys."
On voit que le curé de Saint-Julien oublia deux choses capitales qu'on n'oubliait guère, à cette époque, dans les sacristies des églises de Paris, l'âge des enfants baptisés, et le nom de la paroisse sur laquelle vivait madame de Castelmore d'Artagnan. (A. Jal / L. Abensour).
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Dictionnaire biographique
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