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L'histoire de l'Amérique > les Aztèques > la culture matérielle des Aztèques
Les Aztèques
L'agriculture aztèque
La chasse et la pêche

En dépit de la prédilection des Aztèques pour la profession des armes, ils ne négligeaient aucun des métiers utiles, surtout l'agriculture. Ils s'en occupèrent de bonne heure, de même, du reste, que toutes les nations de l'Anahuac. On sait que, durant la longue pérégrination qui, vers 1160, amena les Aztèques au bord du lac où ils fondèrent leur capitale, ils labourèrent le sol sur tous les points où ils séjournèrent, et vécurent de leurs récoltes. Vaincus par les Colhuas et les Tépanèques et resserrés dans les îles de leur lac, ils cessèrent pendant plusieurs années de cultiver, faute de terres. Enfin, rendus ingénieux par la nécessité, ils inventèrent les îles flottantes.

Leur façon de créer ces îles était des plus simples. A l'aide de branches, de racines, de plantes aquatiques et d'autres matières légères, ils formaient un réseau suffisamment solide, puis, sur cette base, ils étendaient une couche d'herbes marines qu'ils recouvraient de la fange du lac. Ces islettes, qui affectent la forme d'un parallélogramme, ont ordinairement 15 m de long sur 5 m de large, et s'élèvent d'une trentaine de centimètres environ au-dessus de l'eau. Ce sont là les premiers champs que possédèrent les Aztèques après la fondation de leur capitale, champs sur lesquels ils cultivaient le maïs, le piment et les légumes dont ils avaient besoin. Ces jardins mobiles, nommés chinampas, se multiplièrent peu à peu, et bon nombre furent employés à la culture des fleurs et des plantes aromatiques. De nos jours, l'abaissement de. eaux du lac fixe les chinampas sur le fond vaseux : elles sont devenues stables.

Aussitôt que les Mexicains eurent secoué le joug des Tépanèques, leurs conquêtes leur fournirent vite assez de terres pour qu'ils pussent s'appliquer à l'agriculture. Ne connaissant pas la charrue et ne possédant aucun animal domestique assez robuste pour les aider dans leurs travaux, ils suppléèrent à cette lacune par un labeur incessant, à l'aide d'un instrument tout primitif. Pour creuser le sol, ils se servaient d'une sorte de pioche en cuivre pourvue d'un manche, et, pour couper les arbres, ils employaient une
hache, également en cuivre, assez semblable aux nôtres. Quant aux autres outils dont ils faisaient usage, les historiens de la première heure ont négligé de les décrire.
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Agriculture aztèque.
Les semailles et la récolte. Planches de l'Histoire de la Nouvelle Espagne de Sahagun.

Pour arroser leurs champs, ils employaient l'eau des ruisseaux qui descendaient des montagnes. Ils savaient endiguer, puis diviser le précieux liquide à l'aide de petits canaux, afin de le mieux utiliser. Ils laissaient leurs terres se reposer et se couvrir d'herbes qu'ils brûlaient pendant les mois de sécheresse pour remplacer les sels entraînés par les pluies. Enfin, ils entouraient leurs propriétés de murs en pierres ou de haies d'agaves, impénétrables barrières encore usitées.

Leur façon de semer le maïs est toujours en usage parmi nombre de leurs descendants. Armé d'un bâton aigu dont la pointe a été durcie au feu, le semeur fait un trou dans le sol, y dépose un ou deux grains de maïs qu'il prend dans une poche en jonc suspendue à son épaule, et les couvre de terre avec son pied. Il avance d'un pas plus ou moins allongé, selon la nature du terrain, marchant en ligne droite jusqu'à l'extrémité du champ, pour revenir alors en arrière. Les lignes parallèles qu'il trace sont si bien alignées qu'on les croirait faites au cordeau. Cette façon de semer, bien que lente, est très productive, car elle mesure le grain à la qualité du terrain et n'en laisse pas perdre un seul. Lorsque la plante atteint une certaine hauteur, on recouvre son pied de terre, afin de la fortifier et de lui permettre de résister au vent. Une fois l'épi parvenu à maturité, on brise la tige qui le supporte, puis on le laisse sécher au soleil.

Les femmes, parmi les anciens Mexicains, comme chez les modernes, secondaient les hommes dans les travaux agricoles. L'homme creusait, semait et récoltait; la femme égrenait le maïs et nettoyait le grain.

Les Aztèques possédaient des aires pour cette dernière opération et des silos pour conserver les récoltes. Ils construisaient ces silos avec des troncs d'oyamel, sorte de pin à écorce lisse, troncs qu'ils superposaient en enfermant un espace carré. Lorsque cet édifice atteignait la hauteur voulue, ils le recouvraient de nouveaux troncs et l'abritaient de la pluie par un toit. Ces silos ne possédaient que deux issues : l'une, étroite, à leur partie inférieure; l'autre, plus large, à leur partie supérieure. Il y en avait d'assez spacieux pour contenir jusqu'à six mille sacs de maïs. 

Près des champs ensemencés, on édifiait de petites tours en bois dans lesquelles un homme, protégé contre le soleil et la pluie, s'occupait de surveiller les oiseaux et de les chasser à l'aide d'une fronde. 

Les Aztèques affectionnaient les jardins; ils les peuplaient d'arbres fruitiers soigneusement alignés, de plantes médicinales et surtout de fleurs. Ils cultivaient ces dernières non seulement par goût, mais par suite de leur coutume d'offrir fréquemment des bouquets au roi, aux seigneurs, aux ambassadeurs, puis d'en parer leurs temples et leurs oratoires privés. Parmi ces jardins, ceux de la couronne, à Mexico et à Texcoco, étaient renommés. Après la prise de Mexico, les Espagnols admirèrent beaucoup celui d'un seigneur d'Iztalapan, autant pour sa belle ordonnance que pour ses dimensions et les arbres qui l'ornaient. Ce verger se divisait en carrés et renfermait des plantes qui flattaient la vue ou l'odorat. Entre les carrés existaient des allées formées d'arbres fruitiers et de buissons fleuris. Le terrain était coupé par de petits canaux remplis d'eau empruntée au lac, et, sur un de ces canaux, on pouvait naviguer en barque. Au milieu de ce parc, un bassin carré, de 500 m de tour, était peuplé d'innombrables oiseaux aquatiques. Cette propriété, dont Cortez et Bernal Diaz font mention, avait été créée par Cuitlahuatzin, frère et successeur de Montezuma II, qui l'avait enrichi d'arbres exotiques.

Mais, au dire des conquérants, le plus magnifique de ces jardins était celui de Huaxtépec. Il avait une dizaine de kilomètres de circonférence, et une rivière le traversait. Les Espagnols le conservèrent longtemps; ils y cultivaient les plantes médicinales nécessaires à l'hôpital qu'ils avaient fondé.

Les Aztèques surveillaient. avec soin l'économie des forêts d'où ils tiraient leur bois à brûler et le bois de construction. 

Les plantes cultivées par les anciens Mexicains étaient le maïs, le coton, le cacao, l'agave, la chia et le piment. 

L'agave ou metl suffisait en quelque sorte à lui seul à tous les besoins des pauvres. Outre qu'il formait d'impénétrables barrières autour des habitations, son tronc servait de poutre dans la construction du toit des cabanes, et ses feuilles tenaient lieu de tuiles. Avec ces mêmes feuilles que termine une épine aiguë, on fabriquait du papier, du fil, des aiguilles, des vêtements, des chaussures, et le suc de la plante, outre des boissons alcooliques célèbres sous les noms de pulque et de mezcal, fournissait du miel, du sucre et du vinaigre. Enfin, le tronc et la partie inférieure de l'agave, cuits à l'étouffée, donnaient un manger délicat. Ajoutons que, dotée de propriété diurétique, cette plante servait de remède contre plusieurs maux.

Mais, à propos de cette broméliacée qui avait une importance extrême pour lés Aztèques, laissons parler le père Motolinia (le pauvre) qui arriva au Mexique trois ans après la prise de Mexico par Fernand Cortez :

« Le metl est un arbuste ou chardon qui porte le nom de maguy dans le langage des îles. On en fait et l'on en retire tant de choses que l'on peut assurer que le fer n'en produit pas davantage. C'est une plante qui a l'extérieur de l'aloès, mais une taille bien supérieure. Ses feuilles sont vertes, et elles mesurent 1 vare et demie de longueur. Elles ont la forme d'une brique, sont renflées vers le milieu et moins grosses à leur point d'émergence. Elles ont 1 empan environ de circonférence, sont cannelées et vont s'amincissant à leur extrémité, de façon qu'elles se terminent par une pointe aiguë comme un poinçon. Chaque pied de la plante possède trente ou quarante de ces feuilles. Lorsque le metl atteint tout son développement, on coupe cinq ou six des feuilles centrales, de manière à creuser une cavité, et l'on recueille, pendant deux mois, le liquide qui chaque jour y afflue, liquide comparable à de l'eau miellée. Soumis à l'ébullition, ce jus se transforme en un vin douceâtre et transparent.

Ce vin, concentré, donne un miel très agréable et un sucre qui ne vaut pas celui de canne. On en fait aussi du vinaigre. On retire des feuilles du maguey du fil à coudre, et elles servent à fabriquer de la ficelle, des cordes, des sangles, des licous et toutes les choses que nous tirons du chanvre. Les Indiens en fabriquent aussi des vêtements et des chaussures. Les épines de ces feuilles remplissaient l'office de clous, et lesdites feuilles étaient utilisées par les femmes pour y mouler la pâte de maïs. Les ouvriers en plumes se servaient aussi de ces feuilles pour étendre dessus du coton qu'ils transformaient en papier, papier sur lequel ils esquissaient leurs dessins. Les peintres avaient recours à cette feuille pour de nombreux usages, et les maçons s'en servaient en guise de truelle, de tuiles ou pour des conduites d'eau. »

Bien que, faute de bêtes à cornes, les Aztèques ne connussent pas le métier de berger, ils avaient domestiqué un grand nombre d'animaux. D'abord, le téchichi, qui, bien que muet, faisait office de chien, et dont la chair devint un comestible de prédilection pour les Espagnols. En outre, les Indiens élevaient des dindons, des cailles, des canards, et les nobles possédaient des halliers pour les cerfs, des garennes pour les lapins, des viviers pour les poissons et les axolotls.

Un petit animal, digne d'une mention particulière parmi ceux dont les Mexicains s'occupaient, c'est le nochiztli ou cochenille. Cet insecte, si connu pour la belle couleur rouge qu'il fournit, est d'une telle délicatesse et doit se défendre contre un si grand nombre d'ennemis qu'il réclame plus de soins encore que le ver à soie. Il redoute le froid, le vent, la pluie, les oiseaux, les souris, les vers, de sorte qu'il faut constamment surveiller le nopal, Cactus coccinilifer, sur lequel on l'élève, et abriter les feuilles dans les cabanes aux approches de la mauvaise saison. Les femelles, un peu avant la ponte, changent de peau, et les Indiens les aident à se débarrasser de cette dépouille en les caressant avec une extrême légèreté à l'aide d'une queue de lapin. Sur chaque feuille de cactus, on dispose ordinairement trois nids de quinze cochenilles, qui donnent trois récoltes par an. La dernière de ces récoltes est la moins estimée, car les insectes sont de petite taille et souillés des débris de la plante qui les a nourris. On tue généralement les cochenilles en les plongeant dans l'eau bouillante, mais leur qualité dépend surtout du soin avec lequel elles sont séchées. Le meilleur mode de dessicca-
tion est celui de l'exposition au soleil; néanmoins, quelques éleveurs se servent du feu, en étendant les insectes sur la plaque de terre cuite nommée comalli, et qui sert à la cuisson des galettes de maïs. On sèche aussi les cochenilles dans les témascallis, sorte de four dont nous aurons à parler.

La chasse et la pêche

Les Aztèques, s'ils n'eussent été très habiles à la chasse, n'auraient guère pu réunir les nombreux animaux qui peuplaient les jardins royaux et aussi leurs demeures. Pour cet exercice, ils se servaient d'arcs, de dards, de filets, de lacets et de sarbacanes. Les sarbacanes dont les rois et les nobles faisaient usage étaient curieusement travaillées, peintes et garnies d'or ou d'argent.

Outre les chasses entreprises par les particuliers, soit comme récréation, soit afin de se pourvoir de vivres, on faisait de grandes battues ordonnées par le roi, ou établies par l'usage pour approvisionner les temples de victimes. Pour ces battues, on choisissait un grand bois, ordinairement celui de Zacatépec, peu distant de la capitale, et l'on disposait à son centre des lacets et des filets. Des milliers de chasseurs formaient alors un cercle, d'une étendue calculée sur le nombre approximatif de pièces de gibier que l'on désirait prendre. On allumait des feux de distance en distance, et les traqueurs avançaient en frappant sur des tambours, en soufflant dans des conques, en sifflant et en criant. Les animaux, épouvantés, fuyaient vers le centre du bois, où les chasseurs, resserrant leur cercle et continuant leurs clameurs, les abattaient à coups de flèches. Le nombre des animaux capturés dans ces battues était si considérable que le premier vice-roi du Mexique, en ayant entendu parler et n'y pouvant croire, voulut tenter l'expérience. On choisit pour lieu de chasse la grande plaine qui existe entre les villages de Xilotépec et de Saint-Juan del Rio, et l'on ordonna aux Indiens d'opérer comme ils avaient coutume de le faire. Onze mille Otomis formèrent un cercle de plus de ving kilomètres de circonférence, et, après avoir exécuté la manoeuvre que nous venons d'expliquer, capturèrent six cents cerfs et chèvres sauvages, cent renards, plus un nombre incalculable de lièvres et de lapins. Ce lieu, de nos jours, porte encore le nom de Cazadéro.

La tactique des Aztèques pour s'emparer des canards était assez originale et serait encore pratiquée. Ces palmipèdes et nombre d'autres oiseaux aquatiques abondent sur tous les lacs du Mexique, et les riverains laissent flotter sur les eaux de grosses calebasses que les oiseaux s'accoutument à voir, qu'ils viennent même picorer. A l'heure de la chasse, un Indien pénètre dans l'eau, la tête couverte d'un de ces fruits; loin de fuir, les canards accourent, et le chasseur n'a que la peine de les saisir par les pattes et de les noyer.

Les Aztèques capturaient avec hardiesse les couleuvres et les serpents; ils les prenaient par le cou, ou leur serraient les mâchoires entre leurs doigts. Mais leur habileté la plus remarquable consistait dans la sûreté avec laquelle ils suivaient la piste d'une bête fauve, par le seul examen des herbes qu'elle avait froissées.

Par suite de la situation de leur capitale au milieu des eaux et de la proximité du lac de Chalco, où le poisson abonde, les Aztèques étaient peut-être encore plus adonnés à la pêche qu'à la chasse. Ils s'y employèrent dès leur arrivée dans la vallée, car elle leur fournissait les vivres dont ils avaient besoin. Les engins dont ils se servaient étaient les filets, les hameçons et les nasses. Leurs canots, formés d'un tronc d'arbre creusé, pouvaient contenir jusqu'à cinq personnes, et se comptaient par milliers. Dans les expéditions militaires, ils employaient des barques où s'entassaient jusqu'à soixante soldats, barques qu'ils manoeuvraient à l'aide de rames.

Ils s'emparaient des alligators en leur entourant le cou d'une corde, ou à l'aide d'un expédient pratiqué aussi, dit-on, par les Egyptiens pour capturer les crocodiles du Nil. Le chasseur marchait avec hardiesse au-devant du reptile, portant à la main un court bâton dont les extrémités étaient taillées en pointe. Lorsque l'animal ouvrait la gueule, on lui plaçait le bâton entre les mâchoires, et il se les transperçait en les refermant. On laissait alors le reptile s'épuiser par la perte de son sang, puis on l'achevait. Les pêcheurs de perles des côtes de la Californie employaient, paraît-il, le même stratagème pour combattre les requins. (L. Biart).

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