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Les
pères apostoliques ne mentionnent nulle part des fêtes
annuelles qui auraient été célébrées
de leur temps, mais de l'attachement que les premiers chrétiens
appartenant à la nation juive professaient pour l'observance de
la loi et du culte mosaïque, on peut induire, avec vraisemblance,
qu'ils restèrent fidèles à la Pâque.
Aux souvenirs qu'elle devait perpétuer pour les Juifs,
ils ajoutèrent le souvenir de la mort de
Jésus.
En effet, contrairement aux indications contenues dans les Évangiles
selon saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, l'Évangile
selon saint Jean rapporte que Jésus mourut le 14 nissan, précisément
à l'heure où l'on immolait l'agneau
pascal. Cette tradition fut acceptée presque unanimement par les
Églises primitives, et elle dut servir, dans les Églises
de l'Asie Mineure, de base pour la fixation de la fête. Les anciens
documents ne fournissent aucun renseignement certain sur ce qui se faisait
dans les autres Églises. Il est difficile de préciser le
moment où elles commencèrent à célébrer
l'anniversaire de la mort de Jésus. Mais quand on trouve l'usage
établi en Occident, on peut y constater aussi que la célébration
avait lieu, non le 14 nissan invariablement, quel que fût le jour
sur lequel cette date tombait, mais le vendredi
le plus rapproché.
En 160, cette différence
provoqua une controverse entre Polycarpe, évêque de Smyrne ,
et Anicet, évêque de Rome. Cette controverse ne troubla pas
leurs bonnes relations, ni celles de leurs Églises. Mais Victor
(185-198), un des premiers évêques de Rome qui prétendirent
faire prévaloir la suprématie de leur siège, s'irrita
de ce que d'autres Églises avaient, relativement à la fête
de Pâque, un usage qui se disait apostolique et qui différait
de l'usage romain. Il entreprit (196) d'imposer l'usage de Rome à
toute la chrétienté. Il
y réussit presque partout. Les Églises de l'Asie Mineure
lui opposèrent une invincible résistance. Polycrate, évêque
d'Éphèse, lui répondit
que ces Églises ne pouvaient pas se départir
d'une coutume consacrée par les
apôtres
Philippe et Jean, par Polycarpe, Papyrius, Méliton, tous évêques,
saintset
martyrs, qui avaient constamment célébré la Pâque,
le 14 nissan; conformément à l'Évangile; il
fut soutenu par tous ses collègues (concile d'Éphèse,
197).
Victor rompit la
communion avec eux, et il essaya d'induire les autres Églises à
faire de même. Mais beaucoup d'évêques, même de
son parti, réprouvèrent ce procédé. Parmi eux,
Irénée, évêque de Lyon, qui l'exhorta à
imiter la modération d'Anicet. La question resta ouverte et l'entreprise
des évêques de Rome, pour imposer l'uniformité du culte
et la suprématie de leur siège, fut tenue en échec
pendant près de cent trente années. En 325, le concile de
Nicée
décida que désormais la Pâque serait célébrée
partout le même jour qu'à Rome, et non le 14 nissan. Cependant,
plusieurs communautés asiatiques restèrent fidèles
aux anciens usages. A cause du nombre 14, on appelait Quartodécimans
ceux qui les observaient. On finit même par étendre ce nom
à tous ceux qui n'obéissaient pas à la prescription
du concile de Nicée, quels que fussent le jour adopté par
eux pour la Pâque et les motifs de ce choix. On les traita indistinctement
comme hérétiques. Plusieurs, comme les Montanistes ,
les novatiens, les audiens, l'étaient sur d'autres points.
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Les Épîtres
pascales
On
appelait Épîtres
pascales des instructions adressées par les patriarches et les
métropolitains aux évêques soumis à leur juridiction,
pour louer indiquer le jour où la fête de Pâque devait
être célébrée. Elles étaient portées
par des messagers spéciaux. Baronius,
Binius, Dupin et beaucoup d'autres historiens ecclésiastiques ont
affirmé que le concile de Nicée
investit les patriarches d'Alexandrie
de l'office d'annoncer, chaque année, à toute l'Église
catholique, le jour de la fête.
Il
est incontestable qu'à une certaine époque ces patriarches
faisaient cette notification aux évêques de Rome aussi bien
qu'aux évêques d'Égypte. Mais, comme le décret
en vertu duquel ils agissaient ainsi ne peut être produit, les ultramontains
attribuent le fait, qu'ils ne peuvent nier, non à une disposition
canonique, mais à l'autorité qu'on reconnaissait alors au
siège d'Alexandrie, en matière de computation mathématique
ou astronomique. |
La Pâque consacrée
primitivement à l'anniversaire de la mort de Jésus, était
une fête de deuil et de jeûne. Elle
était suivie immédiatement d'une autre Pâque, célébrant
la résurrection, l'ascension de Jésus et l'effusion du Saint-Esprit
sur les disciples; c'était une fête joyeuse, qui durait cinquante
jours, et qu'on appelait Pentecôte dans
son ensemble (Tertullien,
De
Baptismo, 19; Origène, Contra Celsum,
VIII, 22). Cette période, commençant aussitôt après
la Pâque funèbre, appelait spécialement sur ce commencement
l'idée de la résurrection. Cette idée prévalut
et détermina le dédoublement de la Pentecôte, dont
la fin et le nom furent affectés au souvenir de l'effusion du Saint-Esprit,
et dont le commencement, sous le nom spécial de Pâque, fut
voué au souvenir de la résurrection. Dès lors,
cette dernière fête, changeant de caractère et d'objet,
dut aussi changer de jour, le vendredi restant réservé au
souvenir de la mort. En effet, l'Évangile
rapporte que Jésus ressuscita le premier
jour de la semaine ,juive,
lequel correspond au dimanche des chrétiens.
Il fut donc établi que la fête aurait lieu toujours un dimanche,
et que ce dimanche serait celui qui suit immédiatement le quatorzième
jour de la lune de mars. Il est réglé, non après le
cours astronomique de la lune, mais suivant des
calculs déterminés, et font mouvoir la fête dans
un espace de trente-cinq jours, s'étendant du 21 mars au 25 avril,
ce qu'on appelle les trente-cinq journées pascales.
La fixation de cette
fête a une grande importance dans la répartition de l'année
ecclésiastique parce que c'est à elle que se rapporte, suivant
des intervalles précis, l'indication des fêtes mobiles et
des observances qui y sont attachées : Carême,
Semaine sainte, Ascension, Pentecôte,
Trinité,
Fête-Dieu.
(E.-H.
Vollet). |
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