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Nikè

Nikè. - Déesse grecque de la victoire, fille de Pallas et du Styx, et une des compagnes inséparables de Zeus. C’est aussi l’un des surnoms d’Athéna.
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Nike.
Représentation de Nikè sur une bas-relief, à Ephèse (Turquie). Source : The World Factbook.

La déesse de la Victoire est une abstraction personnifiée; par suite, comme presque toutes les divinités d'un caractère abstrait, elle ne reçut que tardivement un culte distinct. A l'époque homérique on ne connaît pas encore la déesse Nikè; mais on considère la victoire comme un don des grands dieux, en particulier de Zeus. Jusqu'à la fin du paganisme il aura des dieux Nicèphores, dispensateurs de la victoire. Pour la même raison la Victoire n'a pas de personnalité mythique; le mythe de Nikè se réduit à une simple filiation. Selon la Théogonie d'Hésiode, elle est fille du Titan Pallas et de l'Océanide Styx ; elle est donc soeur de Bia, Cratos et Zélos. Hygin ajoute qu'elle est également soeeur des Eaux Vives qui sourdent du sol, ce qui permet de rattacher son culte primitif à celui des forces victorieuses de la nature. Denys d'Halicarnasse identifie le père de Nikè avec le géant Pallas, fils du roi d'Arcadie Lycaon qui avait élevé Athéna (Athèna). Les deux déesses auraient ainsi grandi ensemble; et plus tard la puissante Athéna aurait pris Nikè sous sa protection. Mais cette légende, même si elle est d'origine arcadienne, semble inventée tardivement pour expliquer leurs étroits rapports dans les cultes grecs. Enfin des légendes de basse époque et sans valeur mythologique présentent Nikè comme fille de Zeus, par confusion avec Athéna, ou comme fille d'Arès, pour une raison de pur symbolisme. Dans la poésie grecque et latine, les épithètes trahissent l'indigence du mythe et le vague de la personnalité. Titanide, Vierge, Thalamépole  ou servante des dieux, Orkios ou gardienne des serments, elle est surtout qualifiée de Dame Auguste, Bienheureuse, Très Puissante, Glorieuse et qui donne la gloire. Les poètes n'ont su la dépeindre qu'avec des boucles noires, de belles chevilles, des ailes et un beau parler. Par contre, elle n'a cessé d'inspirer heureusement les artistes : peintres et sculpteurs ont reproduit dans toutes ses applications possibles le motif symbolique et allégorique de la Victoire ; l'art grec et l'art gréco-romain lui doivent quelques-unes de leurs plus nobles et aussi de leurs plus gracieuses créations.

Nikè dans les cultes grecs

Le culte de Nikè se manifeste sous quatre aspects différents.

Nikè, identifiée à une divinité poliade.
Nikè s'identifie avec de grandes divinités poliades ; c'est pourquoi on la qualifie de polyonyme. Déjà la grande déesse asiatique des VIIe et VIe siècles, dénommée Kybébé par les gens de Sardes et assimilée par les Ioniens à leur Artémis, déesse ailée qui tient des quadrupèdes ou des volatiles en signe de victoire et de domination sur les animaux, nous apparaît comme une Artémis-Nikè. La Grande Mère des cités anatoliennes, comme l'Anahita persique et la Mâ cappadocienne, donne le succès dans les combats; on invoque la Nikè, Matéros. Elle conservera dans la religion romaine ses attributions de Dame des Victoires. Dans la Grèce classique, la Nikè par excellence est Athéna; la déesse des acropoles prend naturellement le caractère d'une Promachos, qui combat au premier rang, et par conséquent d'une Nikaia, qui mène à la victoire. 

Aussi, de toutes les divinités helléniques, selon l'expression du rhéteur Aristide, Athéna est-elle la seule homonyme, et non pas seulement éponyme, de Nikè :  « Athéna, ô Nikè souveraine!  » Les Athéniens jurent « par Athéna Nikè, qui vint jadis sur son char secourir Zeus contre les Géants ». Ils adorent, en effet, une Athéna Nikè, hypostase de l'Athéna Polias. Sur l'Acropole même elle a son autel, son image et son temple. Quand les éphèbes accomplissent leur sacrifice annuel de vaches sur le grand autel d'Athéna Polias, ils en réservent une, et des plus belles, pour l'autel d'Athéna Nikè. Son image est une vieille statue de bois (xoanon), ce qui semble prouver un culte fort ancien; elle tient dans la main droite une grenade, autre témoignage d'archaïsme, et de la main gauche un casque. Son temple de marbre, qui se dresse à l'avant de la colline sacrée, sur le bord d'un bastion, date de l'époque de Périclès : un peu antérieur au Parthénon et aux Propylées, il fut construit vers 450 par l'un des architectes du Parthénon, Callicratès. On y consacrait à la déesse des couronnes d'or, des hydries d'argent, des vases à parfums. Dans l'enceinte du temple, une statue d'Athéna Nikè rappelait la victoire sur les Ambraciotes (425 av. J.-C.); on y dédia sans doute aussi la Nikè en bronze commémorant la prise de Sphactérie (même année). Antigone Gonatas y consacra des ex-voto après sa victoire de Lysimachia sur les Gaulois. Sous l'Empire, nous connaissons un T. Flavius Alcibiades, prêtre de la Nikè de l'Acropole.

Le culte d'Athéna Nikè ou Athéna Sôteira Nikè se retrouve sur l'acropole de Mégare, où il se distingue également du culte d'Athéna Polias, à Erythrées (IIIe siècle avant notre ère), à Rhodes (IIIe siècle), et dans file de Chypre, où il est associé à celui d'un Ptolémée d'après 312. Sous l'influence de la religion ptolémaïque, l'égyptienne lsis s'identifie parfois avec Nikè, dont elle prend le nom; à Délos, centre du trafic méditerranéen durant les deux siècles qui précédent l'Empire, on a découvert une dédicace à Nikè-lsis. Dans le Bruttium, à Terina, l'assimilation de la déesse topique et de Nikè semble être d'origine purement agonistique.

Nikè , attribut de dieux.
Nikè est un attribut de certains dieux, dits Nicèphores. Sur les monuments figurés, ces dieux portent une statuette de la Victoire, qu'ils semblent tendre comme un don. L'art traduit ainsi cette idée qu'ils apportent avec eux la victoire et qu'elle n'existe pas sans eux. Le premier des Nicéphores est Zeus; on adorait sous cet aspect le Zeus d'Olympie et le Zeus .Amarios de la ligue achéenne. Les dieux étrangers qui furent assimilés à Zeus prirent cette épithète : tels Ammon, Sérapis, Mèn, Sabazios, le Zeus carien, le Baal de Tarse' et les Baals de Syrie. On la donnait de même aux rois d'Asie, dieux Epiphanes émanant de Zeus. Par contre, Arès Nikephoros n'apparaît que sur une dédicace pour le salut de Ptolémée Philopator. A Byzance, au IIIe siècle avant notre ère, le grand dieu Poseidon se manifeste aussi comme Nicéphore. La première des déesses Nicèphores est Athéna; c'est ainsi que Phidias conçut l'Atlréna du Parthénon : sur la main droite de la statue chryséléphantine il posa une Victoire d'or Athéna Nikèphoros reparaît à Corinthe, Amphipolis (Macédoine), Hypata (Thessalie), Rhegium (Bruttium), Lemnos, Cnide, Pergame, Magnésie du Sipyle, dans la colonie macédonienne de Peltae en Phrygie et dans beaucoup d'autres villes d'Asie Mineure, et en Égypte. A Pergame elle a deux sanctuaires: l'un, sur l'acropole, est l'ancien temple d'Athéna Polias, devenue Athéna Polias Nikèphoros sous le règne d'Attale Ier, et en souvenir des victoires pergaméniennes; l'autre est un temple suburbain, dit Nikèphorion, où l'on célébrait les Nicèphories instituées par ce roi. En Syrie et en Cappadoce, elle s'était sans doute substituée à des divinités indigènes. Parmi les autres déesses Nicèphores, nous connaissons la Nikè attique du Ve siècle (sans que l'on puisse toutefois affirmer ici le caractère rituel de cette épithète, la Déméter d'Henna, une Aphrodite archaïque d'Argos dans le temple d'Apollon Lykios, l'Aphrodite Stratonikis de Smyrne, Artémis Leucophryéné de Magnésie du Méandre, l'Anaïtis (?) d'Amastris en Paphlagonie, la Ma de Comana, des Tychés syriennes et une Sélénaia qui paraît être Isis.

Nikè détachée mais dépendante des grands dieux.
Nikè s'est détachée des grands dieux, mais elle reste dans leur dépendance immédiate. C'est elle qui apporte la victoire, mais ce sont toujours eux qui l'accordent. On implore donc la protection de la déesse Nikè, mais après avoir invoqué les dieux supérieurs dont elle n'est que la servante (Thalamé polos). L'art et la littérature favorisaient ce dédoublement cultuel, déjà connu des mythographes du VIIe siècle. Sur les reliefs et sur les vases peints, nous voyons fréquemment Nikè auprès de Zeus ou d'Athéna, comme leur suivante, leur messagère, leur aurige ou leur prêtresse. Sur le fronton occidental du Parthénon, elle conduit le char d'Athéna; sur la balustrade du temple d'Athéna-Nikè, s'empresse un choeur ailé de Victoires; et Périclès fit dresser sur l'acropole dix victoires d'or, une par tribu. Bacchylide nous montre dans l'Olympe « Nikè debout à côlé de Zeus » : les Chevaliers d'Aristophane, invoquant Athéna Poliade, ajoutent « prends avec toi Nikè ». Dans les cultes grecs, c'est surtout à Zeus et à Athéna, principales divinités de la victoire, que Nikè demeure unie. Un oracle de Bakis, relatif à la bataille de Salamine, rapprochait le kronidès et Potnia Nikè. « Zeus et Nikè! » est un cri de ralliement  aux armées. A Olympie, Zeus Katharsios et Nikè possèdent un autel commun; les monnaies d'Élis, qui portent à la fois l'effigie de la Victoire et celle de Zeus, ou le foudre, ou l'aigle, témoignent également d'un culte commun. Nous trouvons dans Athènes une Nikè Olympia, dont l'épithète indique le rapport avec Zeus; mais peut-être n'y fut-elle introduite que par Hadrien, en même temps que les Jeux Olympiques.

Les deux divinités figurent ensemble dans un décret des habitants d'Ilion, rendu en faveur d'Antiochus ler Sôter, et dans un décret des habitants de Cos, ordonnant des sacrifices après une défaite des Gaulois repoussés de Delphes (1279). Elles sont associées sur les monnaies et sans doute aussi dans les cultes d'Agrigente, de Syracuse, de Tarente, de cités lucaniennes et campaniennes. A Tarente, Nikè tient le foudre de Zeus; dans une ville de Lydie, elle est posée sur l'aigle de Zeus. D'autre part, l'association d'Athéna et de la déesse Nikè, se substituant au culte d'une Athéna-Nikè, se manifeste nettement à partir du IVe siècle. Alexandre, au cours de ses expéditions, avait coutume d'élever des autelsà  Athéna et à Niké; en Sogdiane il institue des Nikaia, ou fêtes de la Victoire, comportant des sacrifices en l'honneur d'Athéna. Démétrius Poliorcète, sur ses monnaies, réunit Athéna Promachos à la Nikè de Samothrace. Pergame fait place à Nikè auprès de son Athéna Nikèphoros, pour commémorer la grande victoire d'Eumène Ier sur Antiochus. A Erythrae d'Ionie, vers le même temps, une dédicace aux principales divinités de la ville rapproche Nikè d'Athéna. La numismatique nous révèle qu'elles sont associées aussi, aux IIIe et IIe siècles, dans d'autres cités d'Asie Mineure et dans plusieurs villes de Sicile et de la Grande Grèce. Dans la Grèce propre, à Delphes, une statue archaïque de Nikè provient du temple d'Athéna Pronaia; mais il s'agit probablement d'un simple motif de décoration. 

A Olympie, Pausanias a noté que la Victoire aptère de Calamis, ex-voto des Mantinéens, se dressait tout à côté d'une Athéna. A Élis, César signale dans le temple de Minerve, et devant la statue même de la déesse, une statue de la Victoire; au lieu de faire face à l'entrée du sanctuaire, elle était tournée vers Minerve2. Après Zeus et Athéna, Nikè fut surtout mise en relations avec Apollon, considéré soit comme Poliade, soit comme Archégos, soit comme dieu agonistique. Une Nikè, archaïque provient de la décoration du temple de Delphes au VIe siècle. On dédie des images de Nikè à l'Apollon de Délos. Des Victoires en or et en argent furent consacrées dans le temple d'Apollon Prostatès, à Olbia, pour le salut de la ville et des donateurs. Apollon et Nikè figurent ensemble dans des formules de serment, dans les décrets déjà cités de Cos et d'Ilion, datant du IIIe siècle, sur un autel votif d'Olbia, sur des monnaies de Cydonia en Crète, de Nicaea Cilbianorum en Lydie, de Catane, Messine, Syracuse, de cités du Bruttium et de Campanie. En général, dès le Ve siècle, l'art grec représente Nikè parmi les divinités familières du cycle d'Apollon. Enfin Nikè fut de même associée, pour des raisons diverses, à beaucoup d'autres divinités. Tels sont, parmi les dieux, Arès (rapports d'époque tardive, et qui se sont surtout développés à l'époque romaine, avec le Mars Victor); Asclépios, à Épidaure et en Phénicie, où il s'identifie avec Eshmoun; Cabeiros à Thessalonique; les Cabires de Samothrace, identifiés avec les Dioscures (Victoire de Samothrace, érigée dans le sanctuaire des Cabires; sous le vocable de \Megaloi Theoi , ils sont nommés entre Athéna et Nikè dans une dédicace d'Erythrae au IIIe siècle et couronnés  par Nikè sur une stèle de Larissa, dont le relief représente la théoxénie des Dioscures; Nikè est associée aux Dioscures sur une monnaie de Kibyra, en Phrygie, sur des vases peints et des sarcophages; Apelle avait peint Alexandre accompagné de Nikè et des Dioscures; Dionysos (sur un autel d'Olbias et sur des monuments choragiques); Hélios (dans la dédicace d'Erythrae et sur des monnaies de Rhodes); Héraclès (dans cette même dédicace, sur les monnaies d'Héracleia du Pont, de Mallos en Cilicie, d'Alinda en Carie, sur des monnaies de Sicile et de la Grande Grèce; avec Zeus et Apollon, dans une formule de serment; sur les monuments figurés, dans les scènes d'apothéose du dieu; Hermès (monnaies de Morgantina en Sicile, vers l'an 400; dédicace d'une Nikè en argent dans le temple d'Hermès Agoraios à Olbia par les agoraneomes, "pour le salut de la ville et leur propre salut » ; cf. le rapprochement de Nikè et d'Hermès et surtout le couronnement d'Hermès par Niké sur les monuments figurés;  Men Ouranios Anikètos, en Phrygie et en Pisidie; Poseidon (dans les cultes de Thèbes au IIe siècle avant notre ère, sur un autel d'Olbia et sur des vases peints; le Cavalier Thrace, assimilé à Mèn; des dieux topiques, tels que Taras, fondateur de Tarente, Gélas à Géla, et les dieux fleuves tauriformes de Sicile et de Campanie, à la fois comme protecteurs des cités et protecteurs des jeux où triomphent les fils de la cité. Parmi les déesses associées à Nikè, il faut citer Aphrodite ; Artérnis (en Ionie, en Lydie, en Lycie, en Pamphylie); images de Nikè dans la décoration de l'Artémision à Délos, à Épidaure; bague au type de Nikè dédiée à Apollon et Artémis de Dèlos; avec Apollon sur plusieurs monuments figurés; Astartè en Phénicie; Dèmèter (avec Artémis en Méonie, avec Perséphone en Sicile); Hécate, à Stratonicée de Carie; Hèra (statue archaïque de Nikè dans l'Héraion d'Olympie; avec Zeus, sur les vases peints); Hygie avec Asclèpios à Épidaure); la Grande Mère des Dieux (stèle phrygienne, dédiée à Mètèr Théôn Kasarmeiné; dédicace d'Ersthrae; Némésis (sur un ex-voto d'époque romaine); la Tychè des villes; des déesses topiques, telles que les nymphes Aréthuse à Syracuse, Pélorias à Messine, Camarina, Himéra, Ségesta, Térina, généralement pour des raisons d'ordre agonistique.

Nikè, divinité indépendante.
Nikè est une divinité indépendante, à qui l'on rend un culte particulier dans des temples qui lui sont particulièrement consacrés. A vrai dire, les Grecs n'arrivent qu'avec peine à isoler la déesse Nikè; cette séparation paraît être surtout l'oeuvre de l'époque hellénistique.

Sans doute la fréquence d'une Nikè archaïque sur les monnaies d'Élis au Ve siècle, sur celles de Mallos en Cilicie au IVe siècle, semble indiquer dans ces villes un culte ancien et tout spécial; peut-être aussi dès le Ve siècle existait-il des sanctuaires de Nikè à Camarina, Catane, Himère, Syracuse, et dès le IVe siècle à Lampsaque (Mysie, à Methylium (Thessalie), à Hipponium (Bruttium), à Métaponte. Mais le culte de Nikè ne commence à se développer qu'à la fin du IVe siècle, en même temps que celui des rois divinisés; et il y a corrélation entre les deux faits. Le rôle considérable que prend la déesse dans la numismatique d'Alexandre le grand, des rois de Macédoineet des rois d'Asie , les images de Nikè couronnant les rois ou érigeant les trophées des rois, ainsi que sa brillante figuration dans les pompes royales, témoignent de l'importance nouvelle de son culte sous l'influence de la royauté. 

La Victoire est à la fois la cause et la manifestation de toute souveraineté légitime. C'est pourquoi nous la retrouvons sur les monnaies des rois de Bactriane avec la légende Oanondo (= Vananti), qui exprime la Supériorité victorieuse dans la religion iranienne. Par les textes nous connaissons l'existence de temples à Ilion, Erythrae, Cos au IIIe siècle, peut-être dans l'île de Carpathos, où est signalée la dédicace d'une Nikè à la suite d'un songe, à Tralles vers la fin de la République romaine, à Aphrodisias sous l'Empire; ces temples sont desservis par des prêtres.

A l'époque impériale, les images de la Victoire abondent sur les monnaies des cités grecques, surtout en Asie, Mineure. Evidemment les temples de Théa Nikè se sont multipliés au temps d'Auguste, Denys d'Halicarnasse constatait l'universalité de son culte. Mais on ne saurait déterminer quelles sont, dans cette diffusion, la part de l'influence purement hellénistique et celle de l'influence romaine. Même dans Athènes, sous la double influence de l'Asie et de Rome, Athéna-Nikè finit par se transformer en simple Nikè. Au temps de Pausanias, on ne la désigne plus que sous le nom de Victoire Aptère; dans les titres officiels, elle est devenue la Nikè de l'Acropole.

Ce qui donne à la Nikè grecque son caractère original, c'est qu'elle peut être pacifique et qu'elle protège les individus dans la vie civile, presque autant que dans la vie militaire. Les jeux et les concours, si développés en Grèce, ont créé une Nikè agonistique, dont les manifestations apparaissent nombreuses dans les textes commue sur les monuments figurés; ils comportent des luttes et des exercices de tout genre, où la Victoire a sa part et prend place souvent comme divinité protectrice.

Le théâtre et la musique fournissent aussi des occasions fréquentes de cérémonies et de divertissements auxquels préside une Nikè pacifique. Même les corporations, les métiers ont leur émulation et leurs récompenses, que l'art traduit plastiquement par des figures de Nikès, venant distribuer aux ouvriers des encouragements et de glorieux emblèmes . Dans ce double rôle pacifique et guerrier, la déesse symbolise et résume toute la civilisation hellénique.

Les types de la Victoire dans l'art grec

Les plus anciennes représentations de la Victoire (Nikè), dans l'art grec, rappellent le type de l'Artémis ailée d'Asie Mineure, dite Artémis persique. Vraisemblablement elles dérivent de ce modèle oriental, dont l'art ionien des VIIe et VIe siècles avait répandu des variantes dans tout le monde grec et jusqu'en Etrurie. Il y eut, ce semble, un dédoublement de l'Artémis-Nikè, comme il y eut plus tard en Grèce dédoublement d'Athèna-Nikè; et le motif qui exprimait l'antique domination sur les animaux servit à symboliser les victoires des hommes. Mais, tandis qu'Artémis était en général figurée dans une altitude d'immobilité ou de démarche lente, Nikè fut représentée dans l'attitude du vol. Qui lui donna le premier des ailes et créa ce type immortel de la Victoire ailée? Est-ce un peintre ou un sculpteur? Les anciens eux-mêmes ne s'accordaient pas sur ce point. Les uns tenaient pour le peintre Aglaophon de Thasos, les autres pour un sculpteur ionien de la première moitié du VIe siècle, Archermos de Chios. Il est certain que les savants de Pergame connaissaient une Nikè volante d'Archermos et la considéraient comme le prototype de la Victoire dans l'art plastique. Deux monuments d'une importance capitale, découverts à Délos dans le téménos d'Artémis, confirment avec éclat leur témoignage. Ce sont : 1° une statue de femme ailée, plus petite que nature, en marbre, qu'il y a tout lieu d'identifier avec Nikè; 2° les fragments d'une base de même marbre, mentionnant le nom d'Archermos et le louant de ses inventions ingénieuses. Que cette base ait appartenu à la statue, comme il paraît vraisemblable, ou que la statue ait simplement servi d'acrotère au vieil Artémision, il est difficile de ne pas revendiquer la Nikè délienne pour l'école de Chios; car elle se rattache manifestement à la grande lignée de l'Artémis ionienne, et les modèles d'Ionie étaient familiers à cette école. 

Les ailes recourbées de Nikè, comme celles d'Artémis, devaient s'éployer avec symétrie autour du buste. Des ailettes se fixaient aux chevilles. Pour exprimer la rapidité de l'élan, la jambe droite se fléchissait à demi, dégagée de la tunique à la hauteur du genou, et la jambe gauche se courbait énergiquement vers le sol. Le bras droit, lancé en avant et relevé afin de s'encadrer dans le retroussis de l'aile, accompagne le mouvement du corps; l'autre, pour équilibrer le geste, s'appuie à la saillie des hanches. Enfin il faut restituer à la déesse ses pendeloques d'oreilles, les fleurons de bronze doré qui décoraient son large diadème, toute une polychromie qui est encore visible sur son corsage sans plis et sur la bordure de son chiton. Tenait-elle dans la main droite un attribut? Cet attribut pourrait être la couronne destinée au vainqueur; déjà la couronne apparaît entre les mains de Nikè sur un plat estampé de Caeré, où son image trahit l'influence du type créé par Archermos, et sur une coupe archaïque, où Nikè se profile à grand vol derrière un jeune cavalier. Peut-être aussi, à en juger par ce même plat de Caeré, où la déesse semble tenir également un petit quadrupède, par un alabastre de Camiros et par une amphore plus récente, signée de Nicosthénès, Nikè conserva-t-elle un certain temps les attributs de l'Artémis souveraine des bêtes. Près de la jambe gauche de la Nikè d'Archermos, on a proposé de restituer un lion.

L'art possédait désormais une formule pour exprimer la rapidité du vol, ou plus exactement de la course aérienne. Il en fit bénéficier tous les êtres ailés et rapides qui hantent l'imagination des poètes. Le type même de la Victoire resta Fixe pour un siècle. De nombreuses répliques et réductions de la Nikè d'Archermos nous sont parvenues, ajoutant parfois plus de souplesse dans le dessin, plus de coquetterie dans le costume, plus d'élégance dans l'attitude, modérant la flexion des jambes, allongeant les ailes, mais révélant bien une inspiration commune : telles à Delphes deux Nikès, l'une qui dut servir d'acrotère à un angle de la façade antérieure du temple d'Apollon et qui est l'oeuvre d'un sculpteur attique du dernier quart du VIe siècle, l'autre qui fit fonction d'acrotère au trésor des Phocéens; à Olympie, des acrotères en terre cuite; à Athènes, deux Nikès de marbre, dont la plus grande nous amène jusqu'au début du Ve siècle, et toute une série de petits bronzes qui proviennent te l'Acropole. Si Ies plus anciennes monnaies t'Elis au type de la Victoire ,durant la première moitié du Ve siècle, reproduisent l'archaïque Nikè te l'Héraion, que cite Pausanias, cette statue dérivait aussi du type délien. Elle conserve le buste de face et les jambes de profil; elle s'avance encore à pas précipités, relevant te sa main droite les plis de son vêtement et tentant de la gauche une couronne. Mais déjà les ailes, affranchies te tout caractère d'orientalisme, se tournent librement vers le sol. C'est encore à Olympie que nous ramène la plus ancienne mention d'une Nikè montée sur un char à côté de l'aurige vainqueur; sur ce groupe en bronze, consacré par Cratisthénès, Pausanias lut le nom du sculpteur Pythagoras de Rhégium, lequel travaillait entre 484 et 460.

Les ailes orientales n'étaient que le symbole ou, selon l'expression de Zoega, l'hiéroglyphe de la rapidité Si Archermos avait eu le grand mérite te transformer une figure ailée en figure volante, l'art attique du Ve siècle achève te tonner aux ailes leur caractère d'organes vivants, et mouvants. A la course par longues enjambées vues te profil succède un vol plané, te face, qui amène doucement la Victoire des hauteurs olympiennes vers la terre, où l'envoient les grands dieux. Plusieurs fois Phidias l'avait représentée en compagnie tes Olympiens. Elle figurait, ce semble, sur les deux frontons du Parthénon : sur le fronton oriental, planant au sommet du tympan, elle assistait à la naissance d'Athéna et couronnait la déesse; sur le fronton occidental, elle conduisait le char d'Athéna. Une Nikè d'ivoire et d'or, haute de quatre coudées, c'est-à-dire d'environ 1,80 m, vraie statue par conséquent, était posée sur la main droite de la Parthénos chryséléphantine. Longuement vêtue, tenant tes deux nains une bandelette, si l'on en juge par la statuette dite tu Varvakeion; et tournée vers la déesse, si l'on en juge par les monnaies, elle se penchait légèrement de tout son corps, prête à prendre son élan. De même le Zeus colossal d'Olympie portait dans la main droite une Nikè d'ivoire et d'or. Mais pour rencontrer la première statue authentique d'une Victoire isolée et connaître ce que fut l'évolution de ce type divin il nous faut arriver à la génération qui suit Phidias. C'est encore un Ionien qui résout le séduisant problème d'art posé par l'Ionien Archernios. La Nikè de Paeonios,consacrée tans le temple du Zeus d'Olympie, lui fui commandée par les Messéniens et les Naupactiens, après le fait d'armes de Sphactérie (425). D'après un renseignement ajouté à la dédicace et à la signature, ce marbre serait une réplique d'un acrotère en bronze que Paeonios avait exécuté pour le temple de Zeus. Érigée dans l'Altis sur un piédestal de 9 mètres. dominant les autres offrandes, la blanche messagère de victoire semblait "suspendue entre ciel et terre, ses draperies vivement refoulées par la résistance de l'air, son grand himation gonflé en voile derrière elle, la jambe gauche portée en avant et prête à se poser bientôt, le corps penché, un peu oblique, soutenu et dirigé par le battement puissant des ailes  ». C'est encore de l'art attique, avec des réminiscences du grand style et une recherche croissante de raffinement, que relèvent les Nikès d'Epidaure. Elles sont contemporaines, ou à peu près, de la reconstruction du temple d'Asclèpios, qui eut lieu entre 380 et 375. La Nikè de l'Asclipieion, oeuvre du sculpteur Timothéos, découpait fièrement sa silhouette au sommet du fronton; son bras gauche se relevait, comme celui de la Nikè d'Olympie, pour retenir un pan du manteau, et la main droite tenait un gros oiseau, sans doute le coq d'Asclèpios. Les trois Nikès de mision, variantes rajeunies de Paeonios en moindre style, servaient aussi d'acrotères ; l'une d'elles, qui accroche le manteau à ses ailes et le ramène en plis tourmentés sur sa poitrine, est évidemment postérieure'. A la même lignée se rattache une Nikè d'Athènes, trouvée près de la base d'un monument que dédièrent trois phylarques en souvenir d'un prix hippique; elle est attribuée à Bryaxis, qui l'aurait sculptée vers 350. Nous ne connaissons que par Pausanias les deux Nikès érigées à Sparte par Lysandre, en commémoration de ses victoires d'Éphèse et d'Aegos-Potamos (405); elles se dressaient sur des aigles, particularité assez rare, puisque Pausanias prend la peine de la signaler. Un type de Nikè assise, sur des monnaies d'Élis qui remontent à la fin du Ve siècle, doit reproduire une statue célèbre de cette ville ou d'Olympie. Au début de l'époque hellénistique apparaît ou du moins se répand un nouveau type, celui de la Nikè tropaeophore. Aux funérailles d'Alexandre, son catafalque était surmonté d'une Nikè dorée, qui portait un trophée d'armes. Les monnaies d'Agathoclès de Syracuse, au type de Nikè clouant des armes à un trophée anthropomorphe, et celles de Séleucus ler au type de Nikè couronnant un trophée , rappellent probablement des statues consacrées par ces rois après le triomphe de l'un sur les Carthaginois, en 310, et de l'autre sur Antigone et Démétrius Poliorcète à Ipsus, en 301. D'autre part, c'est au succès naval de Dèmètrius Poliorcète sur Ptolémée dans les eaux de Chypre, en 306, que nous devons la Victoire de Samothrace. Debout sur l'avant d'une trière de marbre, les ailes largement éployées et fremissantes, le corps un peu penché en avant, la tunique plaquée par le vent marin sur la poitrine qui se gonfle et sur les hanches qui se cambrent, elle tenait de la main gauche la hampe d'une stylis, pavillon de navire, et de la main droite une trompette qui sonnait la fanfare triomphale. Nikè porte déjà la stylis sur des statères d'Alexandre, et l'aplustre sur des vases peints. Le motif de la Nikè montée sur une proue n'était pas nouveau non plus; les peintres d'amphores panathénaïques le connaissaient déjà en 332. On le retrouve, combiné avec le motif du trophée, dans une statuette du Vatican, réplique d'un excellent original qui perpétuait aussi le souvenir d'une victoire navale. Pergame, une Nikè du sculpteur Nikèratos commémorait la grande victoire d'Eumène Ier, sur Àntiochus, victoire qui semblait promettre aux Attalides l'empire de l'Asie. Cette Nikê s'élançait d'un globe, motif peut-être inventé par l'artiste pergaménien et qui fit fortune à Rome; mais, par une recherche de complication qui est dans les traditions de l'école de Pergame, le globe reposait, semble-t-il, sur les épaules d'un captif accroupi, faisant fonction d'Atlas. Enfin on ne saurait oublier que l'art hellénistique a multiplié les images de la Victoire sous forme de statuettes de bronze et de terre cuite, variant avec une subtile virtuosité les attitudes, les gestes, la disposition des draperies, le jeu des ailes. Tantôt il sait conserver à de petites figurines nue allure triomphante, comme en témoigne un gracieux bronze de Pompéi, destiné à être suspendu; tantôt il altère le type et dénature le rôle de la jeune déesse, la déshabille à demi, même pour lui faire porter des trophées, lui met en main non seulement le vase des libations qui est un de ses attributs anciens, mais encore des castagnettes, des crotales, des coquillages. Ce sont les coroplastes surtout qui l'ontainsi transformée en figure de genre; ceux de Myrina l'ont volontiers concue comme une danseuse alerte et souriante, compagne des petits Eros qui font cortège a la déesse des jeux et des ris (cf. Éros vaincu par Nikè qui lui prend ses ailes, camée de Florence. De même, les orfèvres grecs se sont heureusement inspirés des divers types de Nikè, pour créer des motifs de pendeloques, avec Victoire stéphanèphore; avec Victoires tropaeophores; avec Victoire sur bige; aux oreilles d'une Minerve ou décorer les couronnes d'or destinées aux statues des dieux et, en Grande Grèce, aux tombes des morts.

Bien avant la période hellénistique, la fantaisie s'était donné libre cours dans les bas-reliefs et sur les vases peints. Déjà Phidias, sur les pieds du trône de Zeus à Olympie, avait figuré un choeur de Nikès dansantes. Il créait ainsi ou consacrait la tradition des multiples Nikès qui se répètent sur le même monument au gré de l'artiste et selon les besoins de la décoration; il mettait d'autre part en valeur le caractère éminemment décoratif du type de la Victoire ailée. Mais le chef-d'oeuvre qui semble avoir exercé l'influence la plus puissante et la plus durable, c'est, sur l'Acropole d'Athènes, la balustrade du temple d'Athèna Nikè. Cette barrière de marbre clôturait, sur une longueur de 35 mètres, les trois côtés à pic du bastion ou se dressait l'édicule ionique. Pour en décorer le face extérieure, entre les années 411 et 407, un seul motif a suffi. Auprès d'Athnéna s'empresse une troupe heureuse de petites Nikès, dont les occupations diverses ont été choisies pour évoquer la double idée de victoire et de reconnaissance envers les dieux. Elles érigent des trophées d'amies, amènent les génisses du sacrifice et apportent les ustensiles sacrés. L'art grec reprendra et développera chacun de ces thèmes allégoriques, si discrètement traités par le génie attique du Ve siècle. Nous avons déjà vu dans la statuaire les Nikès au trophée; nous les retrouvons dans les bas-reliefs, dans le numismatique, dans le glyptique, dans la peinture gréco-romaine. La Nikè sacrifiant le taureau figure déjà dans la première moitié du IVe siècle sur des monnaies de Lampsaque, sans doute d'après un groupe célèbre. Elle inspira un sujet de groupe à Micon de Syracuse et à Ménechme de Sicyone, disciple de Lysippe. Seule ou associée à la Nikè porteuse de brûle-parfum, elle devint un motif usuel dans l'art ornemental; elle repavait sur des bases, sur des autels, sur des frises, sur des sarcophages, sur des vases d'argent, sur des arcs de triomphe romains. Parmi les nombreux reliefs qui portent l'image de Nikè, il convient de citer : le puteal de Madrid, représentant la naissance d'Athéna que couronne une petite Victoire, motif certainement inspiré d'un fronton du Parthénon; une base triangulaire d'un trépied choragique d'Athènes, avec Dionysos entre deux Victoires, de style praxitélien; la frise de l'autel de Zeus, à Pergame, où Nikè pose une couronne sur le casque d'Athéna, qui vient de terrasser un géant; plusieurs répliques archaïsantes d'un ex-voto de citharède vainqueur, avec Nikè offrant une libation à Apollon, que suivent Artémis et Latone.

Mais l'art qui a exercé sa fantaisie sur le type de la Victoire avec le plus de charme et de variété, c'est celui des peintres de vases. Ses Nikès, dont il renouvelle sans cesse la grâce ailée, peuvent compter parmi ses plus aimables créations. Rare et souvent douteuse sur les vases à figures noires, Nikè se montre de plus en plus fréquente sur les vases à figures rouges. Dans la période de style sévère, elle joue surtout le rôle de ministre des dieux; telle nous la voyons, identifiée par une inscription, sur un vase de Caeré: vêtue du costume ionien, tenant de la main gauche le caducée des messagers divins, elle verse une libation à Zeus. Toutefois, sur des Vases attiques à ligures noires, signés par Nicosthénès, comment ne pas la reconnaître dans la déesse ailée qui préside aux concours d'éphèbes. Par contre, elle n'apparaît pas comme aurige, seule dans le char, avant la fin du Ve siècle. C'est seulement sur les vases à figures rouges de style libre qu'elle commence à voleter et à planer, le buste cambré, les jambes allongées en arrière, dans des poses obliques ou presque horizontales qui rappellent les attitudes de la nage et qui s'en inspirent . En même temps sa taille diminue de moitié elle devient une petite Nikè dont les proportions amoindries facilitent le vol et précisent mieux aussi le rôle secondaire. Dans ses fonctions mythologiques, elle est surtout associée aux grands dieux nicèphores, Zeus et Athéna. Elle verse les libations à Zeus ou le survole dans les réunions de l'Olympe, conduit le char de Zeus dans la lutte contre les géants, appuie doucement son bras sur le genou de Zeus et lui montre affectueusement la Grèce, dans une scène fameuse dun vase de Canosa qui symbolise la guerre contre Daius. Elle assiste à la naissance d'Athéa , à la lutte d'Athéa et de Poseidon ; elle assiste auprès d'Athéa à la lutte d'Apollon et de Marsyas à la naissance d'Eichthonios, à la remise d'Iacchos entre les mains d'Hermès, à l'arrivée d'Oresle à Delphes ou en Tau ride, au combat de Cadmus contre le dragon; elle se détache d'Athéna pour couronner Castor et Pollua ou pour tendre les bras Vers Héraclès chez les Hespérides. On la retrouve souvent auprès d'Héraclès : elle le couronne dans la lutte contre le Centaure; elle se tient derrière lui, une trompette à la main, pour sonner la gloire du héros; elle conduit le quadrige qui entraîne Héraclès vers l'Olympe; elle lui offre des insignes de victoire et des libations dès son arrivée chez les dieux; elle participe aux noces d'Héraclès et d'Hèbè. Mais elle accompagne aussi Dionysos, se tient auprès d'Apollon citharède et d'Artémis, offre une libation à Poseidon, assiste à la délivrance d'Hèra par Héphaistos, procède à la toilette d'Aphrodite, veille sur Jason aux prises avec le taureau de Colchide, sur Thésée combattant le Minotaure, couronne Bellérophon vainqueur de la Chimère.

Dans son rôle allégorique auprès des hommes, la Victoire reçoit des attributions diverses, mais ne reste jamais inactive. Tantôt elle assiste aux préparatifs du futur vainqueur, lui présente le casque, lui tend la lyre; tantôt elle préside au concours, siègeant avec les arbitres ou juchée sur une colonne pour dominer le combat; tantôt elle participe en personne à la lutte, monte auprès de l'aurige pour l'aider à conduire son char ou s'envole derrière l'élu des dieux; tantôt enfin elle remet au vainqueur les insignes et les prix de la victoire, la palme, la bandelette, la couronne, le bonnet, la coupe, l'amphore panathénaique,

une oie. D'autres fois elle se substilue à l'éphèbe victorieux et prend en main les rênes du char, ou la lyre des concours choragiques ou les flambeaux la lampadédronne. On la voit même récompenser les travaux d'un atelier de potiers.

Très souvent elle accomplit à la place du vainqueur les actes qui doivent suivre la victoire : elle dresse le trophée votif, y cloue des pièces d'armures, y dépose des couronnes; elle tient l'aplustre que l'ou offre aux dieux en ex-voto après un succès; elle érige ou décore le trépied choragique, ou le pose sur une colonnette près de l'autel du sacrifice. C'est surtout comme sacrificatrice que son rôle est important, puisqu'il convient avant tout de sacrifier aux dieux dispensateurs de la victoire. Elle apporte la torche pour allumer le feu, le thymiatèrion où brûle l'encens, les vases sacrés pour les libations; elle-même, debout près de l'autel ou survolant l'autel, répand le liquide de l'oenochoè et présente en offrande à la divinité la bandelette ou la couronne du vainqueur; elle amène le taureau ou le bélier destiné au sacrifice, elle l'enguirlande, elle le couronne, elle lui verse à boire, elle le tue. 

Nikè ligure aussi sur des vases funéraires, où l'on a supposé qu'elle symbolisait le triomphe de la mort; la Nikè funèbre est surtout fréquente dans la céramique italiote.

Les attributs de Nike, par suite, sont nombreux. Le caducée, l'un des plus anciens, disparaî après la période du style sévère. La patère, le vase, la corbeille, le Hymiatèrion, le flambeau la caractérisent dans ses fonctions de prêtresse. Comme insigne de victoire, la bandelette TAENIA, VITTA est beaucoup plus fréquente que la couronne, du moins au Ve siècle; la couronne est parfois remplacée par une guirlande  ou par un thyrse; la palme n'apparaît pas, ce semble, avant la fin du Ve siècle. (Henri Graillot).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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