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Les fêtes religieuses périodiques
Laissant de côté les fêtes occasionnelles et les fêtes privées, nous examinerons dans cette page celles des fêtes qui se reproduisent périodiquement, et que nous trouvons toujours liées à des cérémonies religieuses. Dans beaucoup de cultures, les cycles astronomiques tels que ceux que marquent la nouvelle lune, la pleine lune, les solstices, etc., donnent lieu à des manifestations spéciales. Les cérémonies ne pouvant être continuelles, dès que les cultes sont régulièrement organisés, ils comportent des cérémonies périodiques et deviennent de véritables fêtes. Le culte des morts comporte ainsi courrament des fêtes mensuelles ou annuelles. Les Karen des montagnes de Birmanie offrent aux défunts de grands banquets annuels; les Nagas de l'Assam leur apportent à chaque lune des offrandes sur leurs sépulcres; les anciens Mexicains avaient une fête des morts en novembre; les Chinois en célèbrent une au solstice d'hiver. Les Incas avaient aussi une fête annuelle où les momies des empereurs morts étaient installées sur la grande place de la capitale pour présider aux réjouissances populaires. Les Egyptiens avaient en l'honneur des morts vingt-sept fêtes par an, vingt-quatre à chaque quinzaine et de plus les trois fêtes de saisons. Des fêtes analogues existaient chez les Grecs et les Romains. Un grand nombre des fêtes, à travers le monde, trouve son origine dans la célébration du réveil de la vie, qui semble endormie durant l'hiver. On sait combien, à l'occasion du culte grec de Dionysos, furent générales ces fêtes, ces orgies sacrées où l'on croyait entrer en communion avec les êtres mystérieux qui règlent le cours des choses. La danse  est souvent la manifestation caractéristique de ces fêtes. 

A ces fêtes, il faut ajouter les fêtes de réjouissance et de remerciements et les fêtes expiatoires ou de deuil. Soit pour remercier les dieux des bienfaits accordés, soit pour célébrer les actions des héros, des fondateurs d'Etats ou de religions, on institua des fêtes généralement renouvelées à chaque anniversaire. de quelque événement fondateur, réel ou mythique. Dans ces fêtes, comme dans les précédentes, une large place était faite autrefois aux plaisirs sensuels. Dans toutes celles qui symbolisent ou rappellent la reproduction, ont lieu des scènes dont l'audace nous étonnerait aujourd'hui; toute l'Asie méridionale en fit une partie essentielle de ses fêtes religieuses; à celle de Shiva en Inde, de Bubastis en Egypte, de Mylitta ou d'Aphrodite sur les rivages méditerranéens, la licence était pareille et pareille l'exaltation sensuelle. Les fêtes expiatoires n'ont guère moins d'importance : le jeûne, la chasteté imposée paraissent devoir apaiser le courroux céleste; on essaye aussi d'y parvenir par des danses, des chants, des banquets, des représentations scéniques; même dans les fêtes de deuil, symbolisant par exemple la mort, particulièrement la mort temporaire de l'hiver, les accès de joie alternent avec les lamentations; ainsi dans la fête d'Isis à Busiris, dans celles d'Adonis, en Syrie, en Asie Mineure, en Grèce, en Italie. Les fêtes officielles ou populaires comportent une variété infinie de détails spécifiques, selon les temps et les lieux, mais les quelques indications générales que nous venons de donner sont vraies dans la plupart des cas. Une rapide revue le montrera.

Les Aztèques, dont le calendrier était bien réglé, avaient un système de fêtes fixes et de fêtes mobiles réparties sur l'année entière; les trois principales étaient placées en mai, juin et décembre, en l'honneur des dieux Tezcatlipoca, Huitzilopochtli et Tlaloc. Les Incas avaient encore plus régularisé leurs fêtes, les faisant concorder avec le cours des saisons ; à chaque nouvelle lune, une fête; de plus, quatre grandes aux quatre saisons : fête du soleil (Intip-Raymi au solstice d'été, précédée de trois jours de jeûne et durant neuf jours); fête du solstice d'hiver; Cusqui-Raymi après les semailles, quand le maïs commençait à paraître (sacrifices, banquets, danses et chants); Citua, à la nouvelle lune qui suivait l'équinoxe d'automne; après un jeûne de trois jours consacrés aux pratiques de purification et d'expiation, la fête se prolongeait jusqu'à ce que la lune entrât dans son second quartier. 

Les populations de langues indo-européennes, Celtes, Germains, Scandinaves, Slaves avaient également des fêtes de saisons. - Pour l'Inde védique, l'Aitareya Brâhmana, le premier traité méthodique sur les cérémonies religieuses, les règle par saison et par mois. Les grands sacrifices annuels ont lieu au printemps, en avril ou en mai. Dans l'Inde moderne, les grandes fêtes populaires sont celles du printemps et de l'automne, de Holi, qui prennent cinq jours en mars ou avril, et de Dasahara, qui ont lieu en octobre. Au mois de Tchaïtra, après la fête du printemps, qui se place au début de l'année lunaire de Vikramaditya, deux jours sont réservés à celle du dieu de l'Amour; nous ne disons rien des fêtes de Vishnou, Shiva, Indra, etc., dont il sera parlé au nom de ces divinités, rappelons les deux fêtes du Gange, les fêtes nocturnes de la sauvage Kali, enfin celle du Lingam avec sa composante sexuelle. 

Le bouddhisme, bien qu'hostile aux cérémonies religieuses, a accepté les fêtes nationales de ses adeptes et a fini par en avoir de propres. En Chine, trois jours de l'année étaient consacrés, à l'époque impériale, consacrés à vénérer le Bouddha : l'anniversaire de sa naissance (8e jour du 4e mois); l'anniversaire de son départ de sa maison (80 jour du second mois) ; l'anniversaire du jour où il atteignit la perfection et entra dans le Nirvâna (8e jour du 12e mois). Dans le royaume de Siam (Thaïlande actuelle), le huitième et le quinzième jour de chaque mois étaient regardés comme sacrés et chômés. La fête de la fin de l'année donne lieu à des réjouissances universelles; celle du commencement de l'année se prolonge pendant trois journées; une fête marque le début de la saison des pluies; une autre la récolte du riz, dont on offre les prémices; en août, la fête du génie du fleuve (Mé-Nam) afin d'obtenir son pardon pour tous les actes qui ont pu souiller ses eaux. 

Les Parsis, à la fin de leur année de six saisons, c.-à-d. en février, offrent de grands sacrifices expiatoires; on peut les rapprocher des fêtes funèbres placées à la même date par les Romains. Les Parsis ont conservé le calendrier solaire des Perses anciens; celui-ci comporte pour chaque saison une grande fête; de plus, les cinq jours intercalaires consacrés aux ferouers sont une fête de toutes les âmes. Chacune des quatre grandes fêtes solaires (coïncidant à peu près avec les équinoxes et les solstices) durait six jours; chacune des six fêtes des saisons durait cinq jours; elles étaient consacrées à plusieurs dieux, comme les quinquatrus du calendrier romain; citons les deux fêtes du Feu (février et novembre-décembre); trois fêtes de Victoires (d'Iran sur Touran, de Feridoun sur Zohak, de l'extermination des mages ou des mauvais génies); trois fêtes dites de la Liberté (fête des vendanges à la mi-novembre; fête du Mannequin, sorte de carnaval avec promenade solennelle du mannequin juché sur un tonneau, à la fin de décembre; fête des Morts dans les premiers jours de novembre). Les fêtes des Perses et leur calendrier religieux étaient parfaitement réglés; ils ont eu une influence considérable sur les peuples voisins. Le culte de Mithra passa avec ses fêtes en Asie Mineure et de là dans tout l'empire romain; sa fête principale, celle de la naissance du soleil tombait au huitième jour avant les calendes de janvier, c.-à-d. au 25 décémbre. Cette fête, qui était célébrée dans tout l'Occident aussi bien qu'en Orient, fut remplacée par celle de Noël. On peut remarquer d'ailleurs que plusieurs des fêtes chrétiennes dérivent de celles de l'ancienne Perse.

Dans la région de la Mésopotamie et de la Syrie, dans celle de l'Asie Mineure, les cultes qui semblent prévaloir sont ceux des dieux et des déesses de la fécondité; ils donnaient lieu à des fêtes telles que l'histoire n'en connaît pas de plus magnifiques ni de plus passionnées. Hérodote a décrit celles de Babylone où la prostitution sacrée jouait un grand rôle.  La fête d'Adonis, écrit Bouchité, était solsticiale comme la précédente et tombait vers la fin de juin dans le mois appelé Thammuz, du nom même du dieu. Célébrée originairement à Byblos, en Phénicie, elle le fut plus tard à Antioche sur l'Oronte, à Jérusalem, à Alexandrie d'Egypte, à Athènes. Mais, au lieu de rester solsticiale comme dans l'Orient, la fête d'Adonis à Athènes paraît être devenue équinoxiale, tombant en avril et en mai, à la nouvelle lune. Cette fête avait deux parties, l'une consacrée à la douleur, l'autre à la joie. Elles étaient consécutives, mais sans se succéder partout dans le même ordre. A Byblos, la fête lugubre venait la première; à Alexandrie, c'était la fête joyeuse qui précédait. A Byblos, les femmes devaient se couper les cheveux, ou bien offrir au dieu, dans le temple, le sacrifice de leur chasteté. A Alexandrie, elles paraissaient seulement les cheveux épars et en robes flottantes. sans ceintures. Outre les lamentations d'usage, des hymnes de deuil étaient chantés avec accompagnement de flûtes. L'image d'Adonis était placée sur un magnifique lit funèbre ou sur un catafalque colossal. A Byblos, les lamentations se terminaient par l'ensevelissement du dieu. 

A Alexandrie, le jour qui suivait la fête d'allégresse, on portait en procession la statue d'Adonis jusqu'au rivage, et on la précipitait dans la mer. Nous reproduisons ce tableau des fêtes d'Adonis parce qu'elles peuvent être prises comme types symbolisant la fécondité végétale; elles donnent lieu à un débordement de passion d'une exubérance inouïe, plaisirs effrénés, lamentations éplorées. En Phénicie, la religion naturaliste donne lieu à des fêtes analogues. A Tyr, la grande fête de Melqart, le dieu solaire, se célébrait au début du printemps; de toutes les colonies venaient des ambassades apportant leurs offrandes; un vaste bûcher était allumé, d'où s'échappait un aigle, symbole du dieu renaissant. En Phrygie, le culte de Cybèle et d'Atys donnait lieu à des fêtes génésiaques semblables à celles du culte d'Adonis ou d'Astarté. La plus grande avait lieu à l'équinoxe du printemps. Les fêtes étaient distribuées de telle sorte que le dieu était censé dormir en hiver; au printemps, on fêtait son réveil, à l'automne sa retraite. En Lydie, la sensualité n'était pas moindre; dans l'orgie sacrée on simulait même des changements de sexe; les danses guerrières, les jeûnes et abstinences rigoureuses alternaient avec les scènes de volupté, les phallagogies ou processions du phallus. Nos idées de pudeur étaient étrangères à ces populations, et les fêtes étant des moments de réjouissance générale; on s'y livrait de préférence aux plaisirs sexuels. Répandues dans presque tout le bassin de la Méditerranée, surtout par l'esclavage qui transplantait sur tous les rivages leurs adeptes, ces fêtes n'ont laissé que peu de traces dans les âges ultérieurs.

Les Egyptiens avaient un grand nombre de fêtes réparties sur toute l'année d'après les règles d'un calendrier bien réglé. A la mi-novembre on célébrait la disparition d'Osiris et le désespoir d'Isis; après cette fête de deuil, venait au solstice d'hiver celle de la recherche d'Osiris, puis, vers notre 1er janvier, l'arrivée d'Isis bientôt suivie de la fête d'Osiris retrouvé. Après ces fêtes du soleil et de l'hiver venait celle de la végétation, symbolisée par la sépulture d'Osiris (semailles), sa résurrection quand l'herbe émerge du sol, la grossesse d'Isis, sa délivrance; on offrait au nouveau-né les prémices de la récolte; puis venait la procession du phallus et la fête de la purification d'Isis. Dans la seconde période de l'année (été, automne) la grande fête était, en juillet, celle de la naissance d'Horus. Il ne faut pas oublier celles qu'on célébrait à propos de l'inondation bienfaisante du Nil, surtout le 24 septembre quand la crue atteignait son plus haut niveau; celle-ci se prolongeait pendant sept jours. Comme fêtes irrégulières, mais très importantes, il faut citer celle du taureau Apis, à la naissance ou à la mort de l'animal sacré. Enfin il y avait une quantité de fêtes locales, toujours fixées à la nouvelle ou à la pleine lune.

Chez les Musulmans, le jour sacré est le vendredi, jour d'assemblée (El Goumah), mais il n'est pas d'usage de chômer, sauf pendant la prière. Les deux grandes fêtes sont Id-el-Kebir ou el-Kourban (grande fête) et Id-es-Saghir (petite fête); la première a lieu le 10e jour du dernier mois de l'année (Zu-l-Heggeh) et dure trois ou quatre jours; la seconde, plus joyeuse, a lieu aussitôt après la clôture du Ramadan et dure trois jours. On fête encore les dix premiers jours de l'année (mois de Moharram), surtout le dixième (Yom Achoura), l'anniversaire de la naissance du Prophète (1er jour du 38 mois), de son ascension au ciel (7e mois).


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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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