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L'Église d'Afrique

On comprend sous le nom d'Église d'Afrique l'Église de l'Afrique proprie dicta, suivant le terme romain . 

Les origines du christianisme dans l'Afrique romaine sont obscures; mais, en l'absence de documents, des conjectures sérieuses élèvent à un haut degré de probabilité l'opinion qui fait passer le christianisme de Rome à Carthage. Les débuts de ce mouvement remontent peut-être au dernier tiers du Ier siècle. Les premiers documents historiques sur le christianisme africain sont des Actes de martyrs : des chrétiens de Scili furent exécutés à Carthage en 180; d'autres périrent vers la même époque à Madaure, en Numidie. Peu après, les écrits de Tertullien jettent une vive lumière sur le caractère, la force numérique et la puissance du christianisme africain aux environs de l'an 200. La réaction connue sous le nom de montanisme , qui protestait au nom de l'enthousiasme primitif contre la réglementation administrative de l'Eglise chrétienne, commençait à se faire sentir alors en Afrique. Tertullien prit lui-même parti pour les montanistes vers 206. 

On peut juger de l'étendue de l'Eglise vers 220, en notant qu'un concile réuni alors à Carthage par Agrippinus comptait soixante-dix évêques présents.

 La génération qui vécut en Afrique entre 220 et 250, put librement professer et propager le christianisme; mais, en 250, l'édit de Dèce déchaîna la persécution contre les chrétiens africains. Les défections furent nombreuses; les difficultés causées par la réadmission des renégats donnèrent naissance au schisme de Felicissimus. Les écrits de saint Cyprien, en particulier ses lettres, dessinent clairement la situation ecclésiastique durant l'épiscopat de ce prélat (248-258). Au concile assemblé à Carthage en 256, on vit quatre-vingtsept évêques, dont environ cinquante de l'Afrique proconsulaire, une trentaine de la Numidie et quelques-uns de la Maurétanie. Après cela, quarante années de paix agrandirent l'ère géographique du christianisme en Afrique et affaiblirent son énergie spirituelle. Les édits de Dioclétien (303) furent exécutés avec une certaine mollesse en Afrique et pendant deux ans seulement. Cependant le trouble créé par cette persécution fut suivi d'un schisme dont l'origine est caractéristique et dont le développement fut décisif pour l'histoire ultérieure de l'Afrique chrétienne.

Les péripéties de cette lutte ecclésiastique occupent plus d'un siècle; et il se fit, pendant ces querelles, une polarisation de plus en plus visible de deux éléments hostiles, celui des indigènes et celui des immigrés. La personnalité de saint Augustin, évêque d'Hippone de 395 à 430, marque l'apogée du christianisme en Afrique. La conférence de 411 réunit à Carthage deux cent quatre-vingt-six évêques officiels et deux cent soixante-dix-neuf évêques donatistes. Toutefois, on découvre aisément dans ces rivalités des germes de maladie qui préparent l'affaiblissement et la disparition de l'Eglise africaine au VIIe siècle.

Saint Augustin mourut (430) pendant que les Vandales assiégeaient Hippone. L'irruption de ces Germains, qui avaient accepté le christianisme sous sa forme arienne introduit comme une sorte de grande parenthèse dans l'histoire africaine. Dès leur entrée en Afrique (429), ces chrétiens ariens persécutèrent les chrétiens catholiques au même titre que les donatistes, sauf ceux d'entre ces derniers qui, avec le gros de la population indigène, firent cause commune avec les envahisseurs. Victor de Vite raconte l'histoire de cette période en témoin oculaire. Les règnes de Genserich (mort en 477) et de Hunerich (mort en 486) ne furent qu'une longue et cruelle persécution. 

Une grande conférence convoquée par le roi à Carthage en 484 réunit quatre cent soixante et un évêques, dont quatre-vingts périrent pendant la conférence, par suite des sévices qu'on leur fit subir; quarante-six furent exilés en Corse, plus de trois cents chassés dans le désert, vingt-huit réussirent à échapper à leurs persécuteurs et à se réfugier sur les côtes septentrionales de la Méditerranée. Comme il y avait alors seize sièges vacants, on voit que le nombre des diocèses africains était de quatre cent soixante-dix-sept. 

La victoire que le général de Justinien, Bélisaire, remporta à Tricaméron, en 533, mit fin à la domination des Vandales. Un synode composé de deux cent dix-sept évêques, sous la présidence de l'archevêque Reparatus de Carthage, réorganisa, en 533, l'Eglise catholique. Les rébellions incessantes des Berbères, les troubles politiques, les subtilités théologiques de Constantinople compliquées encore par des intrigues de cour ne permirent pas à l'Eglise d'Afrique de se raffermir. La Johannide de Corippus peut donner une idée de ce que fut la prétendue restauration byzantine en Afrique.

Quand l'Islam, jeune et enthousiaste, apparut à l'horizon, le sort de l'Eglise d'Afrique était facile à prévoir. Le patrice Grégoire, qui s'était rendu indépendant de Byzance, fut vaincu en 648 dans la Tripolitaine, par Abdalla-ibn-Sâd; en 670, Sidi Okba courut jusqu'à l'Atlantique, puis fonda Kairouan, la future ville sainte; la destruction de ce qui restait de Carthage, en 699, fut le signal du départ vers l'Europe des immigrés catholiques qui étaient encore en Afrique. Le christianisme des indigènes s'éteignit assez rapidement et sans qu'il y eût besoin de persécutions. (F.-H. Kruger).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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