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Autotafé

Un autodafé est, dans le sens premier du mot, une proclamation et exécution solennelles d'un jugement qui avait été prononcé par l'Inquisition. Dans l'autodafé, le tribunal rendait solennellement ses sentences sur ceux qu'il avait eu à juger. Ceux qu'elle déclarait innocents étaient acquittés et remis en liberté; ceux qui avaient été condamnés à l'abjuration, abjuraient; d'autres étaient frappés de diverses peines (austérités, emprisonnement, amendes au profit de l'État, et on livrait au bras séculier, qui lui-même les livrait au bourreau, ceux qu'on nommait les '"opiniâtres", et les "relaps", c'est-à-dire, d'une part, les hérétiques qui refusaient de rétracter leurs erreurs supposées, et, d'autre part, ceux qui étaient convaincus de récidive, après une première sentence moins sévère. 

Les autodafés étaient généraux, ou particuliers. Les premiers étaient plus solennels, et il y figurait un grand nombre de condamnés. Le peuple était avide de ces tragiques spectacles; ils faisaient partie, en quelque sorte des fêtes publiques, célébrées à l'occasion d'un grand événement, comme le mariage où la naissance d'un prince. Les condamnés portaient une sorte de tunique de laine grise, appelée san-benito. Pour les musulmans et les juifs, le san-benito était de toile jaune. Tous étaient coiffés d'un bonnet de carton  terminé en pointe, et décoré, comme la tunique, de démons et de flammes. Le convoi se rendait, en grande pompe, au lieu où devait être lue la sentence; ce lieu était parfois une église toute tendue de noir, parfois la place même où devait avoir lieu l'exécution. Le lecteur s'interrompait de temps en temps pour faire réciter à l'assistance des actes de foi (expression dont dérive le nom d'autodafé). C'est ce qui donna son nom à toute cette sinistre cérémonie. On pouvait échapper, par un aveu tardif, à la peine du feu, qui était remplacée alors, par celle de la strangulation.

Il y eut des autodafés au Portugal, en Italie, mais surtout en Espagne. Là, les besoins du trésor public, auxquels pourvoyaient la confiscation des biens des suppliciés et les amendes prononcées contre ceux qui échappaient à la mort, en accrurent singulièrement le nombre. On a dit qu'il avait péri par le feu près de trente-deux mille victimes au cours des trois siècles que fonctionna le tribunal de l'Inquisition. C'est le chiffre donné par Llorente. Mais Llorente, quoiqu'il ait eu à sa disposition tous les dossiers du Saint-Office espagnol, a été parfois contesté. Le clergé n'était pas plus épargné que les simples fidèles, dans les autodafés. Deux prêtres, par exemple, furent brûlés à Tolède, le 17 août 1486. A Valladolid, le 21 mars 1559. On en exécuta deux autres, dont l'un, Augustin de Cazalla, était prédicateur de l'empereur et du roi. Déjà, en 1482, le pape Sixte IV avait, à plusieurs reprises, condamné sévèrement les procédés du redoutable tribunal. On trouve des autodafés en Espagne, dès le XIVe siècle; ils disparaissent au XVIIIe siècle; le long règne de Charles III  vit encore mourir quatre victimes dans les flammes. C'est au XVIe siècle, surtout dans la seconde moitié, qu'ils furent le plus fréquents. (NLI).

Les autodafés de livres.
On utilise aussi le terme d'autodafé pour désigner les actes de destruction de livres par le feu.

Au XIIe siècle, l'Église catholique, dans la meême perspective que celle évoquée ci-dessus,  organisait parfois des autodafés pour détruire des écrits jugés hérétiques ou contraires à la doctrine catholique. Les Albigéois, un mouvement hérétique du sud de la France, ont été confrontés à de tels autodafés organisés par l'Église.  L'Inquisition espagnole, établie au XVe siècle, a organisé de nombreux autodafés en Espagne pour détruire les écrits considérés comme hérétiques, notamment les Å“uvres des Juifs et des musulmans convertis au christianisme. Ces autodafés étaient souvent accompagnés de la torture et de l'exécution des personnes jugées hérétiques.

Pendant la Réforme protestante au XVIe siècle, les autorités catholiques et protestantes ont toutes deux organisé des autodafés pour détruire les écrits de l'autre camp. Par exemple, les catholiques ont organisé des autodafés pour brûler les écrits de Martin Luther et d'autres réformateurs protestants, tandis que les protestants ont également brûlé des écrits catholiques.

Plus tard dans l'histoire, les autodafés étaient souvent associés à des révolutions et à des régimes totalitaires. Par exemple, lors de la Révolution française, des autodafés ont été organisés pour détruire des symboles de l'Ancien régime, tels que des livres de noblesse et des écrits religieux. De même, des régimes totalitaires tels que celui d'Hitler en Allemagne nazie et celui de Staline en Union soviétique ont organisé des autodafés pour brûler des livres jugés politiquement incorrects ou contraires à l'idéologie du régime.

Les autodafés pratiqués par les autorités nazies en Allemagne  faisaient partie d'une campagne systématique visant promouvoir l'idéologie nazie et à contrôler l'information et de restreindre la liberté d'expression, en éliminant toute forme de dissidence intellectuelle et de pensée critique qui aurait pu contester ou remettre en question leur idéologie totalitaire. (L'Holocauste). Le plus célèbre de ces autodafés a eu lieu le 10 mai 1933, lorsque des membres des Jeunesses hitlériennes et d'autres groupes nazis ont brûlé des milliers de livres considérés comme subversifs ou contraires aux valeurs nazies sur la place publique à Berlin. Parmi les auteurs dont les livres ont été brûlés figuraient des intellectuels et des écrivains de renom tels que Albert Einstein, Sigmund Freud, Thomas Mann, Erich Maria Remarque, et bien d'autres. 
Bien que les autodafés traditionnels soient devenus moins fréquents à l'époque moderne, il existe encore des cas d'autodafés dans certaines régions du monde, souvent motivés par des considérations politiques ou religieuses. Par exemple, certains groupes extrémistes ont organisé des autodafés pour brûler des livres considérés comme blasphématoires ou contraires à leur idéologie.
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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