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Auspices
Les Romains appelaient auspices (de avis et spicere, observation des oiseaux) les signes par lesquels la divinité se mettait en communication avec les humains, et la droit d'observer ces signes. Ces signes étaient soumis à certaines règles dont l'ensemble constituait le droit augural (jus augurum), sorte de science ou plutôt de jurisprudence placée sous la garde du collège des augures, "les interprètes de Jupiter". On donnait aussi le nom d'Auspices aux augures mêmes. Les augures groupaient les auspices en cinq catégories : 
1° les auspices célestes (coelestia auspicia ou auguria) : ce sont les phénomènes météorologiques par lesquels la divinité manifeste sa volonté, et particulièrement l'éclair et le tonnerre qui sont comme les paroles de Jupiter, comme ses réponses : si l'éclair est de droite à gauche, c'est un signe défavorable; si de gauche à droite, c'est une réponse favorable. L'éclair par un temps serein est le meilleur signe que puisse envoyer Jupiter : c'est l'auspice par excellence (auspicium maximum). 

2° Les auspices tirés de l'observation des animaux (a. ex avibu) ; ce sont, semble-t-il, les plus anciens de tous, ceux qui ont donné leur nom à la science augurale, quoiqu'ils paraissent moins dans la nature des choses que les auspices célestes. Tous les oiseaux ne pouvaient pas faire l'objet d'auspices (aves augurales), et tous les oiseaux auguraux ne pouvaient être observés de la même manière chez le vautour ou l'aigle on n'observe que le vol; de même chez la buse, chez l'immissulus, oiseau inconnu dont parle Festus : ceux-là sont appelés alites; chez d'autres oiseaux on n'observe que le cri, par ex. chez le corbeau, la chouette, le pivert : ceux-ci sont dits oscines. D'autres oiseaux sont à la fois observés pour leur cri et leur vol, comme le pic de Mars (picus Martius) (L'Ornithomancie). 

3° Les auspices tirés de l'appétit des poulets sacrés, qu'on appelait auspicia ex tripudiis. Le grand avantage de ces auspices est qu'on pouvait les avoir en toute saison et en toute circonstance. On s'en servait surtout en campagne, et une armée romaine ne partait jamais sans avoir avec elle les poulets destinés aux auspices. Suivant la manière dont le poulet prenait sa nourriture, on en concluait à une réponse favorable ou défavorable de la divinité. La plus favorable était celle qui se manifestait par la hâte que le poulet avait de prendre sa nourriture, hâte qui le faisait laisser tomber à terre des bribes de pâtée ou des grains de blé. Si le poulet refusait la nourriture, c'était un signe fort défavorable. 

4° Les auspices tirés de la marche des quadrupèdes ou des reptiles (ausp. pedestria), qui ne furent jamais bien employés.

5° Les auspices fortuits on incidents imprévus (dirae) qui sont toujours de mauvais augure : par ex., la chute d'un bâton dans un temple, le cri d'une souris, le craquement d'un meuble, une attaque d'épilepsie chez un assistant, une lampe sacrée qui s'éteint. 

On voit combien cette connaissance des auspices était chose délicate. Elle formait toute une science, subtile, minutieuse, mais en même temps d'une extrême importance dans le droit public; car, comme on le sait, les Romains n'entreprenaient rien sans consulter les dieux, c.-à-d. sans prendre les auspices. Le sort de l'Etat dépendait presque de la manière dont on interprétait les signes envoyés par les dieux, et était pour ainsi dire aux mains des augures. On comprend pourquoi les Romains avaient réglé, avec le plus grand soin, la manière dont on devait prendre les auspices, et en particulier déterminé ceux qui avaient le droit de les prendre, et, par suite, de communiquer avec les dieux, de représenter auprès d'eux le peuple romain. 

Sous la monarchie, le droit de prendre les auspices appartenait naturellement an roi. Romulus l'exerça le premier, en fondant Rome après avoir consulté le vol des oiseaux : Rome a été fondé, comme disaient les anciens, auspicato. Ce droit, il le transmet à ses successeurs : et si, par hasard, il y a interruption dans l'exercice de l'autorité royale, s'il y a interrègne, le droit des auspices revient aux patriciens qui représentent le peuple souverain (auspiciar redeunt ad patres). Mais il faut que quelqu'un dans l'Etat le possède toujours, que la République demeure en relations constantes avec ses dieux. 
Les auspices passèrent, après la chute de la royauté, aux consuls, et, quand le consulat fut démembré, ils se démembrèrent de la même manière. Quand les magistratures passèrent à des plébéiens, ils purent consulter eux aussi les dieux de l'Etat, ce qui avait paru longtemps une chose inouïe et scandaleuse. Comme on distinguait les magistrats en majores ou minores, on distingua de même les auspices qu'ils prenaient en maxima ou minima. Avec toutes ces distinctions, il pouvait se faire que les auspices fussent contradictoires, par exemple qu'un magistrat inférieur reçut de la divinité une réponse très défavorable, un signe du plus mauvais augure, contraire à tout ce que pouvaient faire les magistrats supérieurs. Il fallait en tenir compte, et il y avait une sorte d'interdiction religieuse portée contre ces derniers (obnuntiatio). Des mesures furent prises d'ailleurs pour empêcher les magistrats inférieurs d'abuser de l'obnuntiatio.

Naturellement, les auspices étaient pris dans toutes les circonstances importantes de la vie publique, avant l'élection d'un magistrat, avant la convocation des assemblées, le jour de l'entrée en fonction d'un magistrat, avant le départ des armées voilà pour les cas où les auspices étaient nécessaires. A l'armée, le général emportait les auspices avec lui (auspicia bellica). et les consultait avant tout engagement. Mais il fallait que le général fût magistrat, qu'il eut la souveraineté (imperium). Quand, à partir de Sylla, les commandements militaires furent donnés à d'anciens magistrats, les généraux n'eurent pas d'auspices et même, comme dit Cicéron, « nos généraux ne commencent à faire la guerre que lorsqu'ils ont déposé leurs auspices-». 

C'était déjà la décadence des auspices qui commençait. On était loin du temps, ou, comme dit Tite-Live (1,36), on ne faisait rien pendant la paix ou pondant la guerre nihil belli domique, nisi auspicato. 

« Assemblées du peuple, convocation de troupes, tout enfin pouvait être suspendu dans l'Etat, si les oiseaux n'avaient pas été favorables, nisi avis admisissent. » 
A partir de Sylla, les auspices déclinent, comme les magistratures dont ils sont inséparables. Personne ne croit plus à leur valeur. Au temps de Cicéron, on n'en connaissait que l'apparence, la vérité en était méprisée : veritas spreta, species retenta (De nat. deor., 2, 13, 33). L'empire leur porta un dernier coup, car les empereurs se sont toujours passés des auspices; ce qui n'est pas la caractéristique la moins importante du régime fondé par Auguste. Sans doute l'empereur, le jour de son avènement, immole une victime à Jupiter : mais il ne lui demande pas son avis sur sa nomination, il ne prend pas les auspices. Les auspices deviennent l'apanage des magistrats de Rome, des derniers survivants de la constitution républicaine. Et ils demeurent tant que durent ces magistrats, comme deux vestiges du passé. Au Ve siècle de notre ère, les magistrats de Rome prennent encore les auspices, comme au temps de Romulus ou d'Appius Caecus.

A côté des auspices d'Etat (ausp. publica), dont nous venons de parler, il y a aussi les auspices privés dont nous savons peu de chose (ausp. privata). Ce sont ceux que prend le père de famille, chef de la famille et son représentant vis-à-vis de la divinité. (Camille Jullian).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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